Une mise en scène magistrale, moderne et dynamique qui confine parfois au génie. Le travelling rotatif immerge totalement dans un film où on glisse, parfois en vue subjective – et donc dans la peau d'un personnage - à travers les décors animés par C'est un régal de voir Andreotti se liquéfier au fur et à mesure derrière son masque de plomb. Sa face rabougrie de Yoda Quasimodo laisse parfois pénétrer quelques raies expressifs à travers le blême. C'est dans la parcimonie que passe la moindre émotion sur ce bloc de pierre au cœur de choux. La performance d'acteur de Toni Servillo est donc à souligner, car jouer un personnage à l'économie est presque aussi difficile que camper un hyperactif grabataire.
Les tenants et aboutissants des accusations menées contre Andreotti filent à toute vitesse, si bien qu'il est préférable de se munir de son calepin pour noter tous les acteurs de la mascarade et ne pas perdre le fil de péripéties variées qui cèdent assez peu de terrain à l'ennui. Quand pourrait poindre le réquisitoire à charge sérénissime contre un homme politique, débarque un éclair loufoque qui fait penser que si la mise en scène est aussi débridée, c'est aussi grâce à un parti pris du grotesque qui force le respect, tant il s'insère parfaitement dans le speech politique qui gagne en impact. La scène de confession d'Andreotti face à la caméra, seul au milieu de son salon, est impressionnante de puissance émotive, et fait véritablement passer un grand moment de cinéma.
Globalement, les nombreuses astuces de réalisation parviennent à activer le « suspension of disbelief » pour un temps, et ce n'est pas exagérer que dire que la réalisation sauve le film du naufrage activé par une propension à se lover dans la farce de personnages typés au grotesque sur lesquels les traits se tirent à l'infini jusqu'à toucher au folklore d'un Reservoir Dogs.