D'après un sujet de Gilbert Cesbron, le dénommé André Haguet commet un des films les plus nuls de la décennie.!
Son évocation de l'oeuvre, de l'apostolat philanthropiques du docteur Schweitzer tourne à l'hagiographie la plus grotesque, où le grand homme n'existe qu'à travers des considérations, des préceptes emphatiques et solennels.
L'ancien pasteur alsacien, par ailleurs brillant organiste, s'est astreint pendant des années à étudier la médecine et, diplômé, débarque illico à Lambaréné, au Gabon, pour y exercer son sacerdoce humanitaire. Il incarne, lorsqu'il est entouré d'un militaire et d'un missionnaire, la Sainte Trinité du colonialisme français! Haguet ne film pas un homme mais une icône, une conscience universelle, que le réalisateur se retient sans doute de proposer à la béatification ou à la canonisation....
Parce que le film n'est pas tourné en Afrique, que la plupart des scènes le sont en studio, et parce qu'on a fait appel à des figurants noirs assimilés à de gentils sauvages décérébrés, voire à des bêtes curieuses, le film n'a pas le moindre caractère d'authenticité, ne serait-ce que formel. Le récit est constitué des interventions médicales et morales de Schweitzer suivant une mise en scène d'une maladresse et d'une sottise désarmantes.
Et puis il y l'interprétation particulièrement gratinée de Pierre Fresnay. Avec sa grosse moustache, son accent alsacien qu'on jurerait tiré sur le russe (!) et ses sentences affectées, il est parfaitement ridicule. Et je passe sous silence l'emploi d'oie blanche de Jeanne Moreau dans le rôle de l'assistante du médecin.
On apprendra au moins, grâce au film, le sens de la formule célèbre: 'il est minuit docteur Schweitzer". C'est l'heure
après laquelle les autorités françaises d'Afrique, au moment où éclate la première guerre mondiale, interdisent au médecin alsacien, donc allemand, d'exercer à Lambaréné.