Il était une fois dans l'Oued par pierrick_D_

Je suis Neuneu,le petit rebeu.Johnny,jeune magouilleur de banlieue,est un français de souche qui s'est persuadé qu'il est arabe.Pour partir à la recherche de ses origines,il s'incruste dans les vacances algériennes de la famille de Yacine,son meilleur ami.Djamel Bensalah,producteur,réalisateur et scénariste du film,nous concocte une comédie au rythme incertain,tissée de différentes histoires qui se chevauchent dans une certaine confusion et qui ne trouveront leur aboutissement et leur cohérence que tardivement,aidées en cela par quelques coïncidences aussi énormes que prévisibles.D'autre part,l'auteur affiche son habituelle capacité à invalider par ses images le message qu'il entend transmettre.Lequel message est d'ailleurs toujours le même,en gros:la banlieue c'est très sympa,les arabes sont tous super,l'Algérie c'est génial et tous les hommes sont frères.Ces idées sont généreuses et louables,mais quelques évènements survenus depuis 2005 les ont remises en questions.Et la façon maladroite dont s'y prend Bensalah les plombe également,étant donné qu'il nous montre une cité du 9-3 peuplée essentiellement de délinquants,des maghrébins arriérés englués dans des traditions archaïques et une Algérie bordélique pleine de fonctionnaires fainéants et incompétents,d'idiots du village et de crevards du bled obsédés par les cadeaux apportés par la famille venue de France.Difficile dans ces conditions de discerner la part de la critique acerbe et celle de l'éloge chaleureux.Heureusement,la comédie fonctionne souvent,et le personnage de Johnny en est le moteur,suscitant nombre de scènes bien barrées.Ce mythomane enthousiaste,d'une naïveté dépassant largement les bornes de la connerie,se veut plus arabe et plus musulman que les arabes musulmans,et ses pitreries continuelles ne cessent de réjouir.Habilement,on lui oppose en contrepoint le personnage de Yacine,qui lui est vraiment arabe,mais qui au contraire est parfaitement occidentalisé et tente de rompre avec les coutumes ancestrales.En fait,les deux personnages opèrent un chassé-croisé,chacun essayant de s'intégrer à une nouvelle culture.Ce qui induit une réflexion sociologique très intéressante,quoique probablement involontaire.La démarche de Johnny ressemble fort à un réflexe de survie inconscient relevant plus ou moins du syndrome de Stockholm.Comment un souchien,ou sous-chien,peut-il s'en sortir dans un environnement essentiellement occupé par des arabes?En s'assimilant,tout simplement.Ces quartiers périphériques étant devenus le territoire de populations d'origine africaine,souvent de religion islamique,les derniers gaulois qui y restent n'ont plus guère que la ressource de s'y intégrer,puisqu'ils sont devenus étrangers en leur propre pays.Poussés par la foi toute neuve du converti,ils ont même tendance à en faire trop,c'est comme ça qu'on a fini par en retrouver pas mal dans les rangs des djihadistes.A l'inverse,Yacine,qui est né dans cette culture et la connait depuis toujours de l'intérieur,ne pense qu'à la fuir pour s'assimiler à la société française et acquérir la liberté,ce qui est le cas de beaucoup de jeunes arabes.Les deux garçons sont ainsi emblématiques des mouvements dextrogyres qui agitent la France actuelle.Monsieur Sabri,le père de Yacine,devient par conséquent la pierre angulaire du film.Cet homme,déchiré entre la modernité de sa vie hexagonale et les traditions dictées par ses origines familiales,doit se débattre entre les difficultés qu'il éprouve à gérer son fils rebelle et l'affection grandissante qu'il ressent à l'égard de Johnny,sorte de fils adoptif si conforme à ses désirs.Surtout qu'il a des buts cachés et,que de circoncision surprise en mariage arrangé,sa marge de manoeuvre est étroite.Julien Courbey,acteur insupportable à ses débuts,a fait de gros progrès,et son interprétation totalement premier degré d'un Johnny rayonnant de certitude est franchement hilarante.Le beau gosse David Saracino compose en exact contrepoint un Yacine ténébreux et tourmenté avec talent.Sid Ahmed Agoumi ,sorte de Christian Clavier méditerranéen,crève l'écran dans le rôle du vibrionnant M. Sabri.Amina Annabi,chanteuse et comédienne connue dans les années 80,incarne madame Sabri et l'on peut constater qu'elle est toujours appétissante en dépit de quelques années et quelques kilos supplémentaires.Le jeune Medy Kerouani est très drôle en petit racketteur précoce,et Karina Testa,hélas sous-employée,est mimi comme tout.De nombreuses vedettes viennent faire des caméos,et l'on voit surgir ici ou là Olivier Baroux,Elie Semoun,Atmen Kelif,Eric et Ramzy ou Pierre Ménès.Bensalah aimant à s'entourer de sa bande d'acteurs,on peut voir Stéphane Soo Mongo,qui était dans "Le ciel,les oiseaux et...ta mère!",Courbey,qui est dans tous ses films,ainsi qu'un paquet de comédiens qu'on reverra dans "Beur sur la ville":Saracino,Marilou Berry,Agoumi,Kelif,Ramzy,Karim Belkhadra,une vraie gueule de cinéma celui-là,et Ménès.Notons que le film dispense de très belles images de l'Algérie et que Bensalah a recruté en tant qu'assistants deux réalisateurs de télé,Régis Musset,autrefois acteur,et Thierry Peythieu,surtout connu en tant que mari d'Ingrid Chauvin.