Le sublime comme concept esthétique renvoie à ce qui est élevé et grandiose. Il transcende le beau et exerce sur le spectateur une fascination et une attraction qu'on ne peut réfréner malgré une forme de gêne qu'il est possible de ressentir parfois.
Il était une fois dans l'Ouest se range dans cette catégorie esthétique et l'impact de ce chef-d'œuvre s'explique notamment par son aspect insaisissable.

En effet, Il était une fois dans l'ouest est rempli de paradoxes, d'éléments qui créent en nous une sensation de confusion, qui nous déroutent, mais qui procurent au final un plaisir indirect qui dépasse notre entendement. Prenons comme exemple ce générique sans musique, quasiment muet, qui dure 15 minutes mais qui est si jubilatoire, ou encore la scène du massacre de la famille McBain, si violente et cruelle, mais dont la mise en scène frôle la perfection. Il y a aussi le personnage d'Henry Fonda qui est à l'opposé de l'image qu'il véhiculait jusque là. A la première vision du film c'est le sentiment de surprise qui prédomine.
On classe Il était une fois dans l'ouest dans le genre western spaghetti, dont Leone est le créateur, et pourtant, bien que la manière de filmer de Léone soit très éloignée des méthodes des grands réalisateurs de westerns américains, ce film est un véritable cri d'amour au western classique et surtout à ceux de Ford. Il était une fois dans l'ouest est peut-être même plus proche du western classique américain que du western spaghetti et certains oseront dire que le film de Leone n'est pas véritablement un western. Son lyrisme et son caractère baroque en font une sorte d'opéra inclassable, le requiem d'un genre cinématographique majeur. Cette omniprésence de la mort renforce d'ailleurs le caractère sublime du film, avec une sensation de malaise face à la mort qui poursuit inéluctablement sa progression à la manière du chemin de fer dans le film, dont la construction continue malgré tout.

On retrouve également, dans la merveilleuse partition d'Ennio Morricone, ce trouble présent tout au long du film. La musique lancinante qui accompagne le personnage d'Harmonica, reste ancrée en nous telle une cicatrice. Harmonica, après avoir joué cet air obsédant alors qu'il était ligoté et qu'il soutenait sur ses épaules son frère pendu et agonisant, n'a pu oublier cette mélodie et il ne l'oubliera pas tant que sa vengeance n'aura pas été accomplie.
Il existe également une ressemblance assez flagrante entre Il était une fois dans l'Ouest et le tableau de Salvador Dali Persistance de la mémoire. Ces deux œuvres expriment une langueur opposée à la dureté et l'aridité d'un paysage et par extension au monde qui nous entoure. Il était une fois dans l'ouest pourrait donc être considéré comme un western surréaliste. A la manière des Surréalistes qui déconstruisent le réel pour le rebâtir, Léone déconstruit le western classique en énumérant ses codes, pour mieux le reconstruire avec une nouvelle codification, de nouveaux thèmes et de nouveaux rapports de force manichéens. Le thème de la femme médiatrice entre l'homme et le monde est également un thème commun aux les surréalistes et au film de Léone. Le personnage de Jill, interprété par Claudia Cardinale, est au centre des enjeux du film. En outre, il faut noter la volonté qu'ont les Surréalistes de s'élever afin d'atteindre un « point suprême » qui permet en conséquence de toucher au sublime.

Il était une fois dans l'ouest, appartient à ce genre de films qui nous attirent malgré le trouble qu'ils nous ont procuré au premier abord. Au final, le respect et l'admiration nous envahissent à la vue de ce chef-d'œuvre riche en symboles qui nous montre la naissance d'une nation.
Tuco
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le 11 févr. 2012

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Tuco

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