Difficile de commencer une critique de "Il était une fois en Amérique", non seulement par ce qu'il n'est pas facile en général de parler d'un film qui a marqué son époque, mais surtout par ce qu'il s'agit dans le cas présent d'un vrai monument du cinéma.
Sergio Leone s'écarte de la synthèse classique du cinéma Hollywoodien, pour livrer une fresque à la fois grandiose, émouvante, lyrique, épique presque, mais aussi très sombre. Au-delà d'un simple film sur des gangsters, il s'agit avant tout d'un long-métrage sur des hommes et une époque.
Le film se découpe en plusieurs actes: le prologue, un premier acte sur l'adolescence, un second sur l'âge adulte et l'ascension sale vers le pouvoir, et enfin bien entendu un quatrième acte sur la chute qui sera suivit d'un épilogue final. Tout cela sur une durée proche des quatre heures, autant dire qu'on ne reverra jamais un film comme cela aujourd'hui. Le long-métrage ne perd pourtant jamais en intérêt, parce que d'une part il est fort d'un rythme savamment dosé, mais aussi par ce que le film même si tous ces actes ne touchent pas forcément, se vit grâce aux images et à la musique.
Fort d'une mise en scène créative et envoûtante (un entremêlement subtil des époques), c'est également sur le montage que le film s'avère parfait. On passe d'une ambiance à l'autre très facilement sans pour autant être perdu, le film est ainsi survolé d'un jeu de nuances formidable, mêlant la poésie terrifiante à la grande fresque contemporaine. Le plus surprenant étant certainement cette facilité à inscrire le métrage dans une lecture très moderne, qui dépeint pourtant une époque plus antérieure. Celle de la fondation d'une société, les prémices d'un âge d'or après la grande prohibition qui est l'un des sujets principaux du film. "Il était une fois en Amérique" est une œuvre qui touche à tout, de la spiritualité et le traumatisme, en passant par la quête du bonheur et la chute d'un microcosme.
Leone raconte cette histoire à travers la vie de divers protagonistes. Noodles, incarné par Robert DeNiro qui tient ici l'un de ses plus beaux rôles et accessoirement sa seconde meilleure interprétation, est l'anti-héros par excellence. Personnage attachant malgré ses actions, un homme brisé, témoin d'une époque dure, un homme qui n'est pas en quête du bonheur comme on peut le voir souvent au cinéma, mais plutôt un protagoniste qui subit cet univers dans lequel il évolue.
Max, incarné par un James Wood magistral, est à l'opposé du personnage de De Niro malgré les similitudes des deux rôles. Le reste du casting n'est pas en reste, tous sont dirigés avec une main de maître, on retiendra également la prestation formidable et mélancolique d'Elizabeth McGovern. Ces personnages sont un lien direct entre la fresque que présente Leone, et les émotions que doit ressentir le spectateur. Des émotions qui sont d'ailleurs illustrées dans des scènes qui tiennent soit de l'anthologie car elles sont fortes et bien jouées, ou alors de la perfection car elles sont réalisées avec une maîtrise technique incroyable (la scène des nouveaux-nés à la maternité est un modèle de mise en scène). Évidemment il est impossible de parler du film sans aborder le dernier point qui en fait sa grande force: sa musique. Ennio Morricone signe ici une composition mythique, à la fois douce comme une réminiscence, et puissante par ce qu'elle ponctue les scènes. Pourtant il n'y a pour ainsi dire qu'un thème principal, et jamais la lassitude ne l'accompagne.
On pourrait parler des heures sur les nombreux détails de ce film légendaire, alors il est inutile d'aller plus loin. "Il était une fois en Amérique" est un chef-d’œuvre absolu et intemporel, une prière cinématographique qui s'écarte pourtant des schémas habituels du cinéma pour devenir une fresque grandiose, une analyse subtile et mélancolique d'une époque, où s'entremêlent émotions, lyrisme et perfection visuelle. Un grand film de cinéma, un pilier du 7 ème art, et incontestablement l'un des plus beaux films jamais réalisés.