Ultime œuvre de Sergio Leone, il consacra douze années de sa vie pour ce testament, notamment pour préparer le scénario adapté du livre "The Hoods" de Harry Grey. Il nous fait suivre le destin de Noodle sur trois époques différentes, régulièrement lié à trois amis dont Max et un amour pour Deborah qu'il a rencontre lors de sa jeunesse.
Ultime testament qui fut pourtant massacré à sa sortie, en particulier par les producteurs américains (il n'y a qu'en France où le montage de Leone sera respecté) qui en modifient la narration et le coupe d'environ deux heures.
Et pourtant...
Que dire de cette immense et magnifique fresque ? Qu'entre autres, ici le mot Cinéma prend tout son sens.
Chaque centimètre de pellicule, ainsi que seconde, plan, cadre ou image, est d'une telle beauté, émotion et richesse durant ce voyage intemporel à travers trois époques.
D'une justesse d'écriture (dans les personnages, les dialogues ou l'histoire), Il était une fois en Amérique revient donc sur le destin de Noodle à travers sa jeunesse, où il était avec une bande de gamins aussi débrouillarde qu'attachante, durant l'époque de la prohibition, où il devient un gangster respecté et enfin lors de sa vieillesse et d'un retour sur les terres qui l'ont vu grandir.
Leone évoque son amour de jeunesse qui va le suivre toute sa vie, une relation faite d'attente, de déception, de cruauté et d'amour qu'il rend tour à tour touchante et naïve lorsqu'ils sont jeunes puis cruelle par la suite. Il s'attarde aussi sur les relations d'amitié qu'il nouera avec les gamins avec qui il a grandi, notamment Max, une tête brûlée qu'il admire lorsqu'il est jeune. Les personnages, leurs évolutions et les relations qu'ils entretiennent sont traités avec justesse, subtilité et passion. Chacun d'entre eux est approfondi et révèle au fur et à mesure du film ses parts d'ombres et de lumières.
À travers le destin des personnages, Leone traite de l'amour, de l'amitié, la trahison, la loyauté, de la vie et des dilemmes qu'elle nous propose ou encore de l'amertume et du regret. Séparé sur trois époques, elles sont toutes passionnantes, que ce soit la jeunesse où Leone capte à merveille les sentiments enfantins, les naïvetés et visions de la vie, sachant les rendre particulièrement attachants, innocents et attendrissants, l'âge d'or de la prohibition ou la vieillesse.
À quoi ça servirait de faire du cinéma si c’est pour tout expliquer ?
L'histoire est, tout le long, passionnante, nous emmenant vers des horizons parfois inattendus dont on peut nous-même interpréter certains éléments, ce qu'avait d'ailleurs dit Leone à James Woods avec le questionnement "À quoi ça servirait de faire du cinéma si c’est pour tout expliquer ?". Tout cela est judicieusement traité, à travers l'écriture donc, la mise en scène évidemment, mais aussi un montage ingénieux.
Le film est long, le rythme plutôt lent, le cinéaste italien prend son temps et démontre une virtuosité dans sa maîtrise du cinéma, il le rend tellement passionnant. Il ne laisse strictement rien au hasard, chaque plan est intelligemment choisi et ses cadres sont régulièrement truffés de détails et d'idées. Il braque souvent sa caméra au plus près des personnages et en fait ressortir toute l'émotion et la dramaturgie à l'image des scènes de danse de Déborah enfant observée en cachette par Noodle, des différentes séquences de vies, de joies instantanées, de profondes tristesses, d'amitiés ou même de simples regards.
Tant de séquences sont ainsi inoubliables, il en est de même pour les lieux, comme la fumerie d'opium, le bar de Fat Joe ou les rues de New York. Chaque plan est sujet à émotion, et des différentes, allant du dégoût à la joie, et c'est en partie dû à l'incroyable maîtrise du cinéaste italien. Il capte l'essence même des sentiments humains, de beaux comme de moches sentiments et ceux liés au temps qui passe, qui nous fait réfléchir sur la direction d'une vie et nos choix.
Il signe une œuvre forte et mélancolique, accentuée par une magnifique bande originale signée Ennio Morricone, composée bien avant le tournage. Fréquemment présente, elle colle toujours parfaitement à l'image et son envoûtante flûte de pan est inoubliable. D'ailleurs Leone avait déclaré que Morricone n'était pas son musicien, mais son scénariste, cette phrase prend ici tout son sens. Leone démontre aussi sa faculté à utiliser d'autres musiques, comme en témoignage l'une des premières scènes avec Yesterday, ou encore God Bless America.
Il nous fait voyager à travers différentes époques, notamment grâce à une reconstitution réaliste et grandiose. Que ce soit les rues avec la fumée qui y ressort, les architectures ou les intérieurs, il a le sens du détail et il est merveilleusement méticuleux.
Robert DeNiro trouve là l'un de ses plus grands rôles. Il retranscrit à merveille toute la vie de Noodles, son amour, ses amis et ses échecs. D'une sobriété exemplaire, il en fait ressortir toute l'émotion. Face à lui, James Woods est magistral, dans ce qui est l'un de ses plus grands rôles, il en est de même pour Elizabeth McGovern, tandis que l'ensemble des comédiens sont incroyables devant la caméra de Leone, tant ceux qui vont jouer les personnages jeunes, que les seconds rôles, même lorsqu'ils sont peu présents (Joe Pesci par exemple).
Sergio Leone signe avec Il était une fois en Amérique un ultime chef-d'œuvre, un testament intemporel, mélancolique, magnifique et envoûtant, la définition même du Cinéma. Un film sur la vie, ses dilemmes, sa cruauté, sa nostalgie ou encore sa recherche du temps perdu, un film où chaque seconde est riche et chargée d'émotion.