Quand ce film est sorti en DVD, je me suis rué à la Fédération nationale des aspirateurs et cafetières (© Yves Riesel) pour m’en procurer un exemplaire, tant il me tardait de revoir cette splendeur nanardesque ! Je l’avais vu au cinéma avec deux amis mélomanes, dont un qui joue dans le film comme choriste. Nous étions presque seuls dans la salle. « Presque », seulement, hélas. Car sinon nous aurions pu rire tous trois à gorge déployée, tant ce film mal fichu accumule les erreurs et tout ce qu’il ne faut pas faire.
On ne se sent pas un instant en Allemagne. Et pour cause, le film a été tourné en France. Comment se croire en terre luthérienne dans la grande église gothique où Bach-Vadim répète le chœur d’entrée de la Passion selon saint Matthieu ? D’ailleurs, il s’agit d’un morceau écrit pour double chœur (deux chœurs à quatre voix, physiquement séparés). Problème, de chœur, on n’en voit qu’un ! Et là, juste avant l’entrée du deuxième chœur, quelqu’un vient interrompre la répétition pour annoncer à Bach je ne sais quoi, la naissance d’un enfant, peut-être. Et Bach sort. C’est donc pour ça qu’il n’avait pas demandé au chœur II de se mettre en place. N’aurait servi à rien. Trop fort, ce Bach !
Quelques exemples d’erreurs grossières. On voit le Collegium Musicum jouer à la terrasse d’un tripot censé être le café Zimmermann, où Bach donnait effectivement des concerts. Sur l’enseigne grossière, on lit « Zimmermann Kaffee », ou quelque chose du genre. Je ne sais pas par où commencer… Bon, Kaffee en allemand, c’est bien le café, certes, mais la boisson, pas l’établissement. L’établissement, lui, c’est Café… mais en allemand moderne. La question n’est donc pas là. L’établissement de M. Zimmermann s’appelait à l’époque « Zimmermannisches Caffe-Hauß ». Surtout, ce n’était nullement le genre de troquet que l’on voit à l’écran, mais un grand établissement fréquenté par l’aristocratie et la bonne bourgeoisie de Leipzig. Les concerts avaient lieu généralement dans une salle, et dans un jardin l’été. Ensuite, dans cette même scène, une fille Bach demande à son papa pourquoi les musiciens sont tous des hommes et pourquoi les femmes n’ont pas le droit de jouer en public, ce qui est tout à fait vrai… mais l’est encore plus à l’église pour le chant. Or, que verra-t-on durant tout le film pour tenir les parties de soprano et d’alto dans les cantates d’église ou les passions ? Des femmes, bien sûr ! Alors que ce ne pouvaient bien sûr être que des garçons ou des hommes. Puisque de toute façon les choristes du film font du play-back sur du Karl Richter, qu’est-ce qui empêchait de recruter une bande de jeunes garçons et d’ados dans n’importe quel conservatoire ?
Quand à un moment il est question de Telemann comme « celui que l’on appelle ”le maître du baroque” », j’ai cru à un gag, tant l’anachronisme est énorme. Mais ce n’est pas tout. Sonneries aux portes, fils électriques dans le champ, passages d’automobile que l’on devine, Jean Rochefort qui parle de « cathédrale Saint-Thomas » (pour une église luthérienne), prononciation des noms allemands tantôt à la française, tantôt à l’allemande de façon approximative, jeu pitoyable de la plupart des acteurs, enregistrements hors d’âge des œuvres retenues, complètement dépassés musicologiquement…
En somme, le gros nanar musical à regarder entre potes mélomanes ! Guillermou rate son Bach, soirée poilante garantie.
Et pour ceux qui voudraient voir un bon film sur le compositeur, ou plutôt sur sa musique, il y a bien sûr la Chronique d’Anna Magdalena Bach de de Jean-Marie Straub et Danièle Huillet.