Cette impression étrange ne m'a pas lâché, alors que le parallèle semble invraisemblable : le style de Otar Iosseliani, tout en détours et sous-entendus comiques, pour esquisser la vie de Gia, avec en toile de fond un croquis social de la société géorgienne / soviétique, est sans cesse entré en résonance avec celui de Ermanno Olmi une décennie plus tôt, surtout avec des films comme Les Fiancés ou L'Emploi. Association bizarre mais que je n'ai pu réprimer.
Je reste malgré tout assez circonspect devant Il était une fois un merle chanteur avant tout pour des raisons formelles, la narration ne m'ayant pas suffisamment entraîné dans la danse pour suivre cet homme une journée durant dans les rues, les bureaux et les habitations de Tbilissi. La désinvolture avec laquelle est raconté son quotidien, ses retards, ses boutades, et surtout sa théâtralité constante qui se matérialise par des rapports à l'autre très souvent dans un rôle (c'est visible avant tout dans sa relation aux femmes), laisse s'échapper une forme de dispersion très attachante chez le personnage. Je suppose que certains éléments critiques ou un peu trop portés sur la dérision (rien de frontal pourtant) n'ont pas plus à la censure de l'époque puisque le film a été longtemps empêché dans sa diffusion.
Au terme du film, difficile de spécifier clairement s'il s'agit d'une comédie en réalité, difficile de dire si le protagoniste à vécu une belle vie de badinage ou s'il n'a fait qu'errer d'une vacuité à l'autre. Sa mort, bien sûr, exhibe un tragique beaucoup plus franc, renforcé par le côté légèrement ironique de la seule chose qu'il semble avoir laissée — un clou planté dans un mur sur lequel un ami accroche son chapeau. Portrait d'un homme dont on peinera à préciser ce qu'il a accompli au cours de son existence frénétique, lui dont l'oisiveté s'est sans cesse confrontée au métier des autres, prof de physique, biologiste, chirurgien, géomètre, et horloger. C'était peut-être le début d'une rébellion contre les conventions et les habitudes.