Cette impression étrange ne m'a pas lâché, alors que le parallèle semble invraisemblable : le style de Otar Iosseliani, tout en détours et sous-entendus comiques, pour esquisser la vie de Gia, avec en toile de fond un croquis social de la société géorgienne / soviétique, est sans cesse entré en résonance avec celui de Ermanno Olmi une décennie plus tôt, surtout avec des films comme Les Fiancés ou L'Emploi. Association bizarre mais que je n'ai pu réprimer.


Je reste malgré tout assez circonspect devant Il était une fois un merle chanteur avant tout pour des raisons formelles, la narration ne m'ayant pas suffisamment entraîné dans la danse pour suivre cet homme une journée durant dans les rues, les bureaux et les habitations de Tbilissi. La désinvolture avec laquelle est raconté son quotidien, ses retards, ses boutades, et surtout sa théâtralité constante qui se matérialise par des rapports à l'autre très souvent dans un rôle (c'est visible avant tout dans sa relation aux femmes), laisse s'échapper une forme de dispersion très attachante chez le personnage. Je suppose que certains éléments critiques ou un peu trop portés sur la dérision (rien de frontal pourtant) n'ont pas plus à la censure de l'époque puisque le film a été longtemps empêché dans sa diffusion.


Au terme du film, difficile de spécifier clairement s'il s'agit d'une comédie en réalité, difficile de dire si le protagoniste à vécu une belle vie de badinage ou s'il n'a fait qu'errer d'une vacuité à l'autre. Sa mort, bien sûr, exhibe un tragique beaucoup plus franc, renforcé par le côté légèrement ironique de la seule chose qu'il semble avoir laissée — un clou planté dans un mur sur lequel un ami accroche son chapeau. Portrait d'un homme dont on peinera à préciser ce qu'il a accompli au cours de son existence frénétique, lui dont l'oisiveté s'est sans cesse confrontée au métier des autres, prof de physique, biologiste, chirurgien, géomètre, et horloger. C'était peut-être le début d'une rébellion contre les conventions et les habitudes.

Créée

le 6 nov. 2023

Critique lue 30 fois

2 j'aime

Morrinson

Écrit par

Critique lue 30 fois

2

D'autres avis sur Il était une fois un merle chanteur

Il était une fois un merle chanteur
EowynCwper
7

Tbilissi futuriste ?

Générique en géorgien, dialogues en russes. Longtemps interdit à l'exportation, ce film est historiquement inclassable pour des raisons qui dépassent sa condition géographique. L'identité géorgienne,...

le 12 août 2020

5 j'aime

1

Il était une fois un merle chanteur
Morrinson
6

Partagé entre oisiveté et frénésie

Cette impression étrange ne m'a pas lâché, alors que le parallèle semble invraisemblable : le style de Otar Iosseliani, tout en détours et sous-entendus comiques, pour esquisser la vie de Gia, avec...

le 6 nov. 2023

2 j'aime

Du même critique

Boyhood
Morrinson
5

Boyhood, chronique d'une désillusion

Ceci n'est pas vraiment une critique, mais je n'ai pas trouvé le bouton "Écrire la chronique d'une désillusion" sur SC. Une question me hante depuis que les lumières se sont rallumées. Comment...

le 20 juil. 2014

144 j'aime

54

Birdman
Morrinson
5

Batman, évidemment

"Birdman", le film sur cet acteur en pleine rédemption à Broadway, des années après la gloire du super-héros qu'il incarnait, n'est pas si mal. Il ose, il expérimente, il questionne, pas toujours...

le 10 janv. 2015

139 j'aime

21

Her
Morrinson
9

Her

Her est un film américain réalisé par Spike Jonze, sorti aux États-Unis en 2013 et prévu en France pour le 19 mars 2014. Plutôt que de définir cette œuvre comme une "comédie de science-fiction", je...

le 8 mars 2014

125 j'aime

11