Le cul entre deux chaises
Francis Hallé est non seulement un de nos meilleurs botanistes et notre plus grand spécialiste des canopées que même les américains respectent et citent, mais en plus c'est un excellent vulgarisateur. Je l'adore c'est aussi simple que cela. Je pratique la grimpe d'arbre, je suis fasciné par ces êtres, et quand on est à fond là dedans on a deux Himalayas : les Redwoods et les forêts tropicales. Pour moi lire et entendre Hallé est plus qu'un plaisir, c'est une nécessité heureuse. Du coup j'ai été déçu.
Ce film est une vulgarisation au premier degré. Il a pour vocation de sensibiliser aux B A BA des personnes qui ne savent absolument rien sur le sujet et si possible les générations qui arrivent, donc les enfants (mais reste bon pour des adultes). Pour qui est porté sur la question c'est un coup dans l'eau bien décevant. Je n'y ai presque rien apprit et cela m'a particulièrement frustré.
Par contre j'ai été soufflé par les plans. D'abord parce qu'ils sont très réussis et franchement planants, ensuite parce que je m'imagine très bien les besoins techniques et logistiques pour percher une équipe de tournage et mettre en place un jouet comme l'arbracam qui sert à faire les travellings en canopée. Alors j'ai été sur le cul, bavant devant des images d'une légèreté d'autant plus ahurissante que leur tournage a été d'une lourdeur phénoménale. Et puis le son m'a complètement transporté, quand on a communié avec la forêt tropicale c'est une des sensations qui marque le plus car à cause des végétaux on ne voit pas bien loin, on se dirige souvent au son parce qu'il n'y a que ça à faire pour retrouver ses compagnons qu'on a perdu en tournant la tête quelques secondes pour se fasciner devant je ne sais quelle forme de vie. Des sons il y en a à foison, à tel point que le silence porte vite une sensation d'anormal, et la nuit c'est du grand délire... la bande son m'a arraché quelques larmes en remuant en moi bien des souvenirs, c'était fabuleux. Mais était-ce le film qui me faisait cet effet ou ma mémoire ? Pour avoir une prise de son à couper le souffle là dedans il suffit d'avoir un bon micro et d'être patient et discret. Et puis grand spectacle oblige les musiques m'ont relativement gonflé, d'autant que leur style commence à sentir le réchauffé, je me serais bien mieux contenté d'une immersion totale dans les sonorités forestières.
Bref c'était un grand moment contemplatif. Je n'ai rien apprit mais j'ai un peu éprouvé ce plaisir indicible que j'aime tant. C'est un peu comme ressentir une paix absolue en se faisant bouffer tout entier par un monstre titanesque... je vous le conseille. ^^
Pour ce qui est de son utilité je crois qu'en évitant de trop mettre en avant l'horreur absolue qu'est la déforestation pour simplement distiller la fascination que ce monde impose Jacquet et Hallé ont fait le bon choix. Pour protéger une chose il faut commencer par l'aimer. La protection des forêts primaires est, avec les océans, le sujet le plus important pour la survie de notre espèce et de millions d'autres. Et c'est un sujet urgentissime. Ce film se devait d'exister pour y contribuer.
Pour ce que le film m'a apporté de bon comme de moins bon je mettrais un 6
Pour ce que je crois qu'il est capable d'apporter à des personnes qui ont besoin d'être sensibilisés je mettrais un 8
Donc l'un dans l'autre je lui donne un 7