Après une période de sa filmographie où il nous avait moins convaincu, Saving Private Ryan marquait le grand retour de Spielberg : grâce à l'évolution de la technologie, mais également à des moyens financiers conséquents, ce film ultra-réaliste devenait un nouveau jalon marquant dans l'histoire du "film de guerre", en particulier grâce à son éprouvante première demi-heure, qui relatait de manière particulièrement immersive l'apocalypse vécue par les soldats débarquant sur les plages normandes le 6 juin 1944.
L'une des indiscutables qualités de Saving Private Ryan est que, hormis dans une conclusion convenue dont on se serait bien passé, Spielberg ne se laisse quasiment jamais aller à ses habituels travers sentimentalistes. De la même manière, filmant au plus près les corps et les visages des hommes terrifiés et héroïques à la fois, Spielberg refuse toute vision spectaculaire de la guerre, tout ce qui pourrait la rendre "cinégénique", et c'est réellement tout à son honneur.
Même si les dilemmes moraux (ou stratégiques) qui se posent au petit commando chargé de retrouver le soldat Ryan perdu en Normandie au milieu du chaos sont parfois un peu simplistes (Que vaut la vie d'un homme ? Peut-on faire un calcul rationnel de sa valeur ? Comment "mériter" le sacrifice de quelqu'un qui vous sauve la vie ?), au moins il n'y ici aucune idéalisation réductrice sur la fraternisation entre soldats ni sur le pardon que l'on doit accorder à nos ennemis.
Vu de 2024, il y a aussi un indéniable plaisir à voir défiler à l'écran dans des petits rôles, voire de simples figurations, une pléthore d'acteurs qui deviendront ensuite "importants" : Barry Pepper, Giovanni Ribisi, Jeremy Davies, Paul Giamatti, Vin Diesel, et même Bryan Cranston... Même si la performance de Tom Hanks et le charisme de Matt Damon restent impressionnants, on ne peut nier la formidable capacité du système hollywoodien à renforcer ses films grâce à une pléiade de talents.
Après Saving Private Ryan, Spielberg et Hanks poursuivont leur récit de la seconde guerre mondiale en série TV, en particulier avec le remarquable Band of Brothers.
[Critique écrite en 2024]