Premier film de l'actrice Paola Cortellesi (également personnage principal ici) et grand succès critique et public (récompensé par le Prix Spécial du Jury et le Prix du Public au Festival du Film de Rome 2023), ce «Il reste encore demain» est une tragi-comédie des plus réussies.


Le film nous plonge dans l'Italie d'après-guerre et plus précisément dans le quotidien de Delia, mère de 3 enfants qui ne cesse de travailler, à la maison comme à l'extérieur, pour sa (belle-)famille mais surtout pour son mari, autoritaire et violent.

Une femme qui est la colonne vertébrale de sa famille, mais que l'on écoute pas. Une femme qui semble effacée et soumise, et à laquelle sa propre fille, sur le point de se fiancer, ne veut en aucun cas ressembler. Jusqu'au jour où une mystérieuse lettre lui est adressée, et va la pousser à faire un choix auquel elle n'aurait pas pensée jusque-là.


Quelque part entre le néoréalisme façon Vittorio De Sica et les comédies italiennes de Dino Risi ou encore Ettore Scola, cette œuvre en noir et blanc, c'est une réponse assez originale et osée aux traditions du patriarcat, qui se perpétue d'une génération à l'autre, et ce quelque soit le milieu social.


Originale, en faisant résonner passé et présent (notamment avec certains choix de musiques, anachroniques et détonantes), pour démontrer que ces problématiques restent des problématiques intemporelles, malheureusement.

Mais aussi et surtout osée, en traitant d'un sujet dramatique par le biais de la poésie et de l'humour. Une association casse-gueule et parfois déstabilisante (à l'image de cette scène de violence conjugale, transformée en chorégraphie harmonieuse), mais avec laquelle Cortellesi arrive pleinement à jouer, parvenant à nous faire rire puis à nous toucher à l'intérieur d'une même séquence, et sans que cela ne paraisse jamais artificiel ni poussif.


C'est en choisissant de nous conter cette histoire de cette manière-là que l'actrice-réalisatrice arrive à nous faire croire et à nous immerger dans la trajectoire de cette mère de famille, prisonnière de son quotidien et de cet amour d'antan, qui s'est transformé en cadeau empoisonné, entre possession, sacrifices et violence ordinaire. Une mère qui a peur que ce schéma se répète pour sa propre fille.


Un portrait de femme des plus originaux dans son traitement, et une ode à la résilience et à l'émancipation d'une belle justesse, portée par l'impeccable performance de son actrice principale.


Une œuvre qui, dans ses derniers instants, et notamment cet échange de regards entre une mère et sa fille, fait se lier l'histoire individuelle à l'Histoire collective.

Parce qu'avoir la bouche fermée ne signifie pas ne rien avoir à dire, à exprimer. Parce que chaque voix compte.


Une très belle réussite italienne à découvrir en salles.

Raphoucinevore
8
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le 16 mars 2024

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Raphoucinévore

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