Avec sa référence immédiate à des instantanés précis du néoréalisme (des femmes observant avec colère la rafle allemande dans Rome, ville ouverte, la détermination de Maria Ricci quand elle sacrifie les draps dans Le Voleur de bicyclettes, ou les ouvriers entassés dans un escalier branlant... )le film répond évidemment à un besoin collectif de se reconnaître dans un passé italien commun.
L'Italie du film, même dans son autoritarisme patriarcal borné et violent (ou bien, justement à cause de lui, comme besoin de réagir et de s'émanciper), est un lieu de l'âme . De là, de ce lieu inexistant, naît le demain de Cortellesi , qui emporte l'histoire de la pauvre Delia - qui quitte la maison chaque jour pour accomplir mille corvées et mettre à manger sur la table, pour ensuite prendre beaucoup de coups, tout en faisant des sacrifices pour sauver sa fille de vingt ans du même sort qu’elle - de l'intrigue déjà écrite de sa vie pour la projeter dans une dimension anhistorique.
Ce film annule le temps et utilise l'espace de Rome, ses cohortes fermées comme un décor de théâtre, comme une scène, un espace dans lequel Delia avance comme en dansant, tout comme est une danse filmée au ralenti une scène (qui a elle seule range ce film dans les chefs d'oeuvre du cinéma) de coups assénés par le mari - idée audacieuse, et réussie, comme l’est tout ce superbe film, servi par des acteurs formidables.