L’audace de C’è ancora domani est de sauter à pieds joints dans les clichés inhérents à la représentation des violences domestiques faites aux femmes pour mieux déconstruire la posture de victime fragile de celles-ci à la manière d’un pas-de-deux entre les sexes et entre les générations, s’amuser avec les codes du mélodrame que la réalisatrice Paola Cortellesi détourne astucieusement. En effet, la libération de Delia suit d’abord le schéma classique de l’envie d’ailleurs, tout entière incarnée par Nino, mécanicien séduisant avec lequel il est agréable de flirter en mangeant du chocolat – à ce titre, le travelling circulaire sur fond de musique populaire procure un mélange de drôlerie et de romance –, que le long métrage veille à démanteler par l’intermédiaire d’un tiers, Giulio, heureux prétendant qui révélera, par la répétition du même, un visage familier, orchestrant un basculement dans le merveilleux digne du conte. L’émancipation du personnage principal échappe alors à la perspective d’une fuite géographique – et terriblement artificiel, « comme au cinéma » affirment les épouses et veuves de la ville – pour lui préférer l’envolée démocratique, portée par une clausule brillante qui associe le vote des femmes à un adultère.
« Pourquoi tu ne pars pas ? », lui demande Marcella comme le spectateur d’ailleurs, avant de percevoir la puissance de sa révolte qui est non pas de quitter sa vie mais d’en reconquérir les droits et la liberté fondamentale. La communication non verbale entre mère et fille témoigne d’une solidarité féminine qui advient après l’échec de la parole dans un espace qui ne saurait ni l’accueillir ni même la faire naître, un espace hanté par l’ombre du père et par celle du père du père, le vieillard Ottorino dont les funérailles tournent à la parodie insolente en ce que la suspension du temps liée au deuil est exploitée comme un compte à rebours dramatique. Magnifiquement interprétée et photographiée, C’è ancora domani constitue l’une des grandes réussites de la comédie italienne contemporaine, alliance de burlesque et de cruauté rappelant Divorzio all’italiana (Pietro Germi, 1961), qui rassemble – preuve de qualité ! – le public et la critique.