«Il se passe quelque chose», toujours, quand on est observateur et attentif à l'autre, même si parfois, souvent, "rien ne se passe comme prévu"! C'est bien le cas du premier film d'Anne Alix, inventif et généreux, qui vient de sortir en salle.
Ce sont deux femmes, dont rien ne destinait à faire du chemin ensemble et pourtant elles vont beaucoup rouler dans la Provence après qu'il se soit justement passé quelque chose.
Désespérée après avoir perdu son mari et plus tard son boulot, Irma (Bojena Horackova) se trouve à Avignon sur le pont, lieu où elle rêvait de venir en couple, et se jette à l'eau. C'est Dolores (Lola Dueñas) qui la sauve et l'entraîne dans sa virée en Camargue. Dans une superbe décapotable, Dolores fait un travail de terrain pour écrire un guide des sites touristiques intitulé "gay friendly".
Rien de ce qui était prévu et commandé par l'éditeur de Dolores se trouve sur leur chemin. En revanche cette rencontre improbable va susciter beaucoup d'autres et c'est peut-être là qui réside le côté attachant du film d'Anne Alix
Quelque chose est née de cette rencontre “salvatrice” entre Dolores et Irma. L'une et l'autre finissent par trouver, sans chercher, autre chose que les sentiers battus des lieux insolites dont Dolores était sensée débusquer l'exotisme.
Elles vont en faire d'autres et quand la voiture tombe en panne c'est avec un berger roumain ou des cueilleurs de fruits équatoriens qu'elles vont échanger et nous donner à voir que ce sont ceux qui viennent d'ailleurs qui nous apportent les fruits que nous consommons ou s'occupent des bêtes avant qu'elles soient dans nos assiettes...
Le débarquement d'immigrés va “peupler” une partie du film. Il n'y a pas de discours ni de bons sentiments sur ce qu'il faut faire, mais on pressent plus qu'on ne le voit, le côté “politique” de ce film. Peut-être aurait-il fallu un propos qui puisse permettre le lien que la réalisatrice souhaitait en faire. Reste au spectateur de “s'approprier” le sens qui lui paraîtra le plus juste avec “quelle place pour l'humain aujourd'hui” qui était la question de départ pour Anne Alix lorsque l'idée de ce film a germé.
Avec d'autres séquences fort originales, au fin fond de la Camargue, celle du karaoké ou le bistrot de Dora (Dora Manticello) au bord de l'eau. C'est un des moments fort et émouvant la réunion de ces trois femmes, une très belle séquence.
Les premières images ouvrent sur la recherche avec des animateurs d'un groupe ESPRI, qui tentent de débusquer le fantôme qui semble hanter un lieu. Ils reviennent à d'autres moments au long du film. Apparemment il ne se manifeste pas, mais nous pouvons le deviner... finalement l'esprit y est, dans cette originale rencontre qui suscite d'autres qui méritent notre empathie.
https://blogs.mediapart.fr/arthur-porto/blog/160818/il-se-passe-quelque-chose-toujours