Pity the fate of young fellows and their anxious attempts to forget.
Plan B aka Ben Drew, l’un des nouveaux leaders de ce que l’on pourrait qualifier d’intelligent Hip Hop, à la manière d’un Mos Def ou un ODB, réalise enfin son rêve, écrire et diriger un long-métrage. Rêve qu’il avait déjà voulu concrétiser en réalisant un film sur la perquisition abusive de son appartement par les forces de l’ordre (un type d’incident vécu par le feu 3 Steps Ahead, qui aura composé « Fuck The Police » suite à cela), mais qui hélas sera tombé à l’eau faute de moyens. Pas découragé et bien conscient que trouver des producteurs prêts à financer un produit anti-police est aussi aisé que déceler des élans d’intellectualisme dans un reality show, il a dû adapter sa machine et servir un produit que l’on pourrait qualifier de bien plus « Tarantinien » ou « Guy Ritchien ». Oui, y’a beaucoup des deux réalisateurs dans cette bobine, on retrouve un microcosme qui s’étend sur quelques blocs, avec ses personnages qui se croisent, interagissent volontairement ou sans s’en rendre compte, avec ses dommages collatéraux, et finalement on se retrouve devant un ensemble de saynètes où tout le monde se tient la main, aussi instables puissent être certains maillons de la chaîne. Ben Drew voulait d’abord faire un film contre la police, mais finalement il semble bien plus posé et nous livre un produit POUR quelque chose et non CONTRE. En effet, même si tout le monde est très gris, voire carrément noir, il arrive à faire subsister une part de blanc et donner une touche d’espoir, majoritairement portée par Aaron (Riz Ahmed), principal protagoniste. Touche d’espoir qui est plutôt la bienvenue, car la bobine enchaîne les drames par paquets de douze, ne donnant guère envie de s’aventurer dans les bas-fonds londoniens (Manor Park, pour être précis, d’où le titre du film).
Autre atout indéniable de la bobine, sa tracklist, elle est composée par son réalisateur (secondé par le slammeur John Cooper Clarke), qui rap la vie des différents intervenants afin de nous les présenter, une idée brillante, augmentant l’intelligence du récit et décuplant l’aspect ludique. Ill Manors ça n’est pas juste une expérience cinématographique, mais aussi la symbiose parfaite d’un style musical et du cinéma (le Bollywood du Rap, le Rapywood), laissant de côté la surabondance d’effets type « clip » façon Tarantino/Ritchie. Même RZA n’aurait pas fait mieux, c’est dire.
Ill Manors c’est donc tout simplement l’un des meilleurs films de moeurs anglo-saxon, suite logique et bien plus puissante de Sket, intelligent, brillamment écrit, interprété, monté, photographié, et aussi la preuve que l’on peut servir un grand film, même lorsque l’on a en poche qu’un budget dérisoire de 100.000 livres. Une véritable boule de nerfs qui mérite d’être vue et appréciée à sa juste valeur, celle d’un produit contemporain et essentiel.