« L'ananas nous sauvera de la poésie ! »

Pas lu le roman de Balzac, j'ai donc vu un Loup de Wall Street français (donc pudique) et j'ignore si le film emprunte l'intégralité ou seulement l'essentiel de ses bons mots (spécialement cette scène savoureuse sur la critique négative par principe). Les défauts courants des adaptations littéraires s'y retrouvent et la narration est souvent dépendante de la voix-off [constante], tandis que les détails d'intrigues et de personnalités sont peu développés au profit d'une ligne générale à teneur morale – heureusement l'enjeu de la démonstration est politique donc nous évite le simple défilé de tapisseries et de reconstitutions.


L'idéologie s'immisce avec les allusions défavorables à Macron et la dénonciation du vent 'libéral' ou de 'l'argent-roi' (tout est monnayable en société comme en littérature, les dépôts funéraires sont soumis à la spéculation immobilière). Les aristos prétendent s'en défaire ou le mépriser, mais ils ont déjà tout, sauf 'l'esprit du temps'. L'arriviste venu de sa province apparaît comme la victime (consentante par naïveté) de deux mondes se jouant de lui : il se prostitue avec les libéraux puis, mieux renseigné sur les manières à afficher, commet des courbettes avec les aristos. Dans les deux cas lui et sa gourde sont des dindons nouveaux riches ; du peu que j'en sais, cette épouse (pénible de dignité vulgaire et de 'fraîcheur' grasse, elle en devient écœurante) s'éloigne de son modèle sous la plume de Balzac. Le portrait de l'establishment économique et journalistique est plus infamant, mais paradoxalement tempéré par cette espèce d'honnêteté au deuxième degré des hommes 'sans foi ni loi' ['de peu' serait plus juste], par rapport à l'establishment légal plus précieux et passif dans ses calculs (et verrouillé par nature).


C'est donc un plaisir ambigu, car les meilleurs atouts sont la lecture par Dolan et la contribution des acteurs lors des scènes sur les postures et jeux sociaux (les moments plus intimes ou sentimentaux sont ronflants) ; tandis que le style est (par tradition ? par conviction ?) terne et sent le recyclage, avec une bande-son au conservatisme artificiel.


https://zogarok.wordpress.com/
(1.600e critique SC)

Zogarok

Écrit par

Critique lue 101 fois

2

D'autres avis sur Illusions perdues

Illusions perdues
el_blasio
9

Un contrat plus qu'honoré

Illusions Perdues parvient à nous emporter avec panache et brio au cœur de la tourbillonnante Comédie humaine chère à Balzac, plus contemporaine que jamais. Pour un littéraire talentueux, il est...

le 28 sept. 2021

106 j'aime

8

Illusions perdues
jaklin
5

Eloge du contre-sens musical

J’aurais pu mettre 8. J'aime pourtant beaucoup d'habitude Giannoli : L'apparition et Marguerite sont de très bons films. Ici, les acteurs sont presque tous bons, Balibar et De France en tête, en...

le 9 avr. 2022

44 j'aime

92

Illusions perdues
Kopliko
7

Le jour où un banquier rentre au gouvernement...

Balzac, l’un des romanciers français les plus connus et l’un des plus adaptés au cinéma. Pourtant, lorsque l’on regarde la liste des adaptations de ses œuvres, la plupart se sont faites avant les...

le 15 oct. 2021

42 j'aime

5

Du même critique

La Haine
Zogarok
3

Les "bons" ploucs de banlieue

En 1995, Mathieu Kassovitz a ving-six ans, non pas seize. C'est pourtant à ce moment qu'il réalise La Haine. Il y montre la vie des banlieues, par le prisme de trois amis (un juif, un noir, un...

le 13 nov. 2013

51 j'aime

20

Kirikou et la Sorcière
Zogarok
10

Le pacificateur

C’est la métamorphose d’un nain intrépide, héros à contre-courant demandant au méchant de l’histoire pourquoi il s’obstine à camper cette position. Né par sa propre volonté et détenant déjà l’usage...

le 11 févr. 2015

48 j'aime

4

Les Visiteurs
Zogarok
9

Mysticisme folklo

L‘une des meilleures comédies françaises de tous les temps. Pas la plus légère, mais efficace et imaginative. Les Visiteurs a rassemblé près de 14 millions de spectateurs en salles en 1993,...

le 8 déc. 2014

31 j'aime

2