J’aurais pu mettre 8.
J'aime pourtant beaucoup d'habitude Giannoli : L'apparition et Marguerite sont de très bons films.
Ici, les acteurs sont presque tous bons, Balibar et De France en tête, en passant par Depardieu et Dolan – sans accent !
La reconstitution est honnête, beaux décors, beaux costumes.
Il y a même une scène assez géniale quand Lucien, saoul et drogué, ricane en rêvant à tous les symboles hétéroclites de sa supposée « réussite ».
Mais enfin…
La réussite du film doit surtout au texte ciselé de Balzac, sagement lu par une voix off ; quel procédé plein de recherche et d’audace!
La décapante cruauté de Balzac dévoilant la réalité du cœur des hommes et d’une société devenue folle si proche de la nôtre aurait peut-être mérité un plus grand courage de réalisation. L’adaptation se doit d’être à la hauteur de son modèle. Or, ici, comme dans l’un des moins bons films du pourtant si grand et si libre Chabrol, Madame Bovary, l’intimidation devant le texte annihile toute inventivité. Je me suis dis plusieurs fois que j’allais couper la vidéo pour me replonger dans le roman de Balzac, ce que j’aurais dû faire.
Car il y a pire ! Ma colère est encore vive contre la bande son qu’on a vendue comme si réussie.
A la place, on nous déverse un melting pot de tous les tubes de la musique…baroque !!
Quel rapport avec l’époque du récit, avec même le scenario ? Aucun.
On passe des meilleurs tubes de Vivaldi ( oh, L’hiver des Quatre saisons pour exprimer le froid de la mort…), en passant par Purcell ( un anglais ? Why ? on me répondra qu’il y a des compositeurs autrichiens, des allemands, des italiens, certes…), quelques tubes de Bach non seulement anachroniques mais totalement inadaptés à l’histoire, une couche de Scarlatti ( vous comprenez, le clavecin, ça fait « noblesse », même si ce n’est pas le bon siècle…), du Rameau et du J.Strauss pour faire joli et ensuite Schubert (comme musique de salon, bon, peut-être, mais enfin, pas les dernières sonates ou quatuors, les plus tourmentés du compositeur lors des fêtes et orgies !). Il m’a aussi semblé reconnaître Enesco, postérieur à l’histoire. Et pas une note de Beethoven, que Balzac admirait tant…
Que signifie ce déferlement de musique la plupart du temps anachronique dans une reconstitution qui, par ailleurs, se veut soignée dans les détails historiques ? Je crois hélas que la culture musicale du spectateur moyen a tellement été mise à mal par l’Education Nationale que confondre la musique de l’époque baroque avec le romantisme du XIXème siècle ne pose plus problème à personne.
J’aurais pu mettre 8, je mettrai 5 pour atteinte à lèse musique.