Au vu du paysage horrifique américain de ces dernières années, abrutit depuis plus d’une décennie par Blumhouse d’un côté et relevé par des auteurs talentueux mais minoritaires de l’autre, il n’est pas aisé de sélectionner le bon film, le poulain qui donne un peu de foi. Immaculate, qui de loin paraît être un énième film de nunsploitation, avait tout de même pour avantage majeur d’avoir Sydney Sweeney en premier rôle et à la production. Une actrice découverte dans Euphoria, et qui n’a eu depuis de cesse de m’étonner. Par la qualité de son jeu (Reality), ou le plan de carrière qu’elle semble s’être fixé (comme apparaître dans l’immondice Madame Web en connaissance de cause afin de pouvoir financer des projets qui lui tiennent à cœur par la suite, un pragmatisme salutaire). Une artiste qui semble vouloir envoyer bouler son image de poupée en maîtrisant ses apparitions pour refléter les dangers d’être jeune et jolie à Hollywood. Charlize Theron avait son Monster, Margot Robbie son I, Tonya, elle a Immaculate.
Et si la scène introductive est quelque peu décourageante, semblant singer les précédemment décriés Blumhouse et nunsploitations, la qualité du film va crescendo, au diapason avec sa tension grimpante. Le scénario et la durée sont contenus, 1h29 sans crochets superfétatoires au déroulé, et portée par une Cecilia qui prend, une fois n’est pas coutume, des décisions rationnelles et proportionnelles aux évènements. D’une foi rapidement justifiée par un passif crédible, à l’immersion dans un couvent où les pléonastiques fous de Dieu sont encore plus inquiétants qu’à l'accoutumée, en passant par le logique patriarcat qui régit une telle institution (embrasser la chevalière, la mainmise d’homme sur un groupe de femmes séquestrées, jusqu’aux remarques des douaniers sur le gâchis que représente une telle femme dans les ordres plutôt qu'au pieu), toute l’ambiance se construit autour de la déliquescence d’une croyance.
Immaculate est on ne peut plus ancré dans l’inquiétante actualité, déconstruisant pierre par pierre l’édifice qui a mené à l’abrogation des lois sur l’avortement aux USA. “Your only job is the baby” lui assène-t-on. Mais Cecilia, aussi dévote soit-elle, rejette ce postulat, et ira sans cesse provoquer le spectateur par sa plastique pour mieux la lui refuser. Mon corps, mes choix. Une maîtrise de l’image de Sydney vous disais-je. En découle le film pro-avortement par excellence, montrant un gros doigt bien tendu aux fondamentalistes en tout genre dans un final aussi éprouvant qu’il est satisfaisant.
Ajoutez à cela une photographie magnifique, qui ne cache pas l’influence des gialli ou de Rosemary’s Baby, ainsi que le jeu épatant de la star montante et méritante, et vous obtenez le film d’horreur le plus chiadé de 2024. Beau et intelligent, tout en oubliant pas d’être anxiogène. Miraculé.