Film très important dans la filmographie de Clint Eastwood, autant pour sa carrière d'acteur que pour celle de réalisateur, "Impitoyable" marque considérablement les esprits par son approche crépusculaire du Western, un genre très populaire dans le Cinéma américain entre les années 1940 et 1970.
"Impitoyable" est la 16e réalisation d'Eastwood (dont son 4e western en tant que réalisateur) mais il s'agit aussi du 12e et dernier western dans lequel il a tourné sans compter la série "Rawhide" (1959 -1965) qui lui a permis de lancer officiellement sa carrière d'acteur et de se faire connaître auprès du grand public en devenant la légende qu'il incarne aujourd'hui. Ce long métrage permet donc à Eastwood de tirer sa révérence au Western en mettant en scène une œuvre testamentaire avec une histoire écrite sur mesures pour lui.
En effet, en 1992, Eastwood a passé la soixantaine et il a derrière lui une carrière de près de 40 ans, riche en films cultes. Avec ce film, il se montre en (anti) héros vieillissant, revenant une dernière fois pour faire justice et montrer à tel point il n'est pas "has been" dans un Cinéma américain en pleine évolution, où les "blockbusters" se développent de plus en plus.
Le casting est composé de deux amis proches d'Eastwood dans des rôles secondaires importants : Morgan Freeman (l'acolyte de longue date, Ned Logan) et Gene Hackman (le shérif "impitoyable", Little Bill Daggett) qu'il dirigera pour l'un à deux autres reprises dans "Million Dollar Baby" en 2005 et "Invictus" en 2008 et pour l'autre une nouvelle fois dans "Les pleins pouvoirs" ("Absolute power", 1997). Ces derniers livrent chacun une prestation très convaincante tout comme Richard Harris (English Bob), qui a déjà tourné dans plusieurs westerns d'époque.
Quadruplement récompensé aux Oscars (meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur second rôle masculin pour Gene Hackman et meilleur montage), "Impitoyable" est probablement le film qui illustre le mieux le talent de réalisateur d'Eastwood de tout point de vue, notamment en ce qui concerne la beauté de la photographie et la fluidité des plans (référence entre autre à la connexion entre les scènes de début et de fin avec ce coucher de soleil magnifique laissant apparaître la silhouette d'Eastwood ).
Toujours très appliqué dans sa manière de filmer, Eastwood a cette capacité à rendre sublimes les choses simples, à épurer sa mise en scène. Cela n'est pas anodin sachant que ce film est dédié à ses deux mentors et amis, les célèbres et immenses réalisateurs "Don Siegel" et "Sergio Leone" qui, grâce à leur expérience et leurs connaissances, l'ont beaucoup influencé et guidé dans son travail de cinéaste.
Eastwood dépeint donc dans son film une vision du western très sombre et réaliste, dans la lignée notamment d' "Il était une fois dans l'Ouest" (Sergio Leone, 1968) ainsi que de ses autres westerns et toujours à l'opposé de la vision incarnée notamment par John Wayne, beaucoup plus "Hollywoodienne".
De plus, le choix de la musique est encore une fois de grande qualité car orchestrée par Lennie Niehaus, fidèle compositeur d'Eastwood, qui travailla avec lui sur la majorité de ses films. Ce dernier a, à cet égard, toujours accordé de l'importance à la musique en tant que passionné de Jazz.
L'aspect féministe du film est un élément très important qu'Eastwood avait déjà exploité dans l'une de ses précédentes réalisations, "Le Retour de l'Inspecteur Harry" ("Sudden Impact", 1983) où il traque puis accompagne une ancienne prostituée, "justicière dans la ville", dans sa quête consistant à élimer les criminels s'en prenant aux femmes. Ici, Eastwood (William Munny), tueur repenti et reconverti en fermier, est appelé pour mettre fin à l'injustice et la corruption qui règne dans la petite ville de "Big Whiskey" en vengeant l'agression d'une jeune prostituée, défigurée par un pourri de la bande du Shérif. D'une simple mission cela va se transformer en une affaire personnelle
suite à la mort de son meilleur ami, Ned Logan, torturé par les hommes de Little Bill Daggett.
Cette motivation rajoute un enjeu supplémentaire à la rédemption du personnage interprété par Eastwood, autrefois lui aussi sans pitié et sans morale.
Autre thème cher à Eastwood, la violence des hommes dans la société est ici parfaitement représentée à travers les différents personnages masculins, misogynes pour certains et adeptes des armes et des règlements de comptes pour d'autres. Par ailleurs, les images dures et choquantes contribuent aussi à rendre ce long métrage mémorable.
Enfin, Eastwood met également en avant l'inexpérience et la fébrilité de la nouvelle génération de jeunes acteurs qu'il a souvent critiqué, à travers le personnage du "Kid de Schofield", apprenti tueur myope qui fait équipe avec William Munny et Ned Logan. En effet, Eastwood a toujours voulu entretenir son image d'homme viril, charismatique et expérimenté, ce qu'il a du mal à percevoir chez la "relève".
En conclusion, "Impitoyable" constitue l'un des meilleurs films de la carrière de Clint Eastwood, et probablement son western le plus abouti. Grâce à ce long métrage, il nous livre une véritable déclaration d'amour au Western mais plus largement au Cinéma.
Un film culte mais surtout un pur chef d'œuvre !