J'ai lu l'autre jour un excellent papier à propos du film dans les cahiers du cinéma, c'était tellement bien qu'idéalement j'aimerais juste vous le copier coller, mais bon, ce serait de la triche.
Je vais essayer d'être concis et efficace.
C'est le premier film de Frederic Wiseman que je voyais, je serais curieux de voir ses autres films puisque c'est un vieux cinéaste très important.
In Jackson Heights, c'est trois heures (et oui, c'est long, faites pipi avant !) à New York, dans le quartier éponyme, trois heures de patchwork aux scènes plus ou moins longues, sans intervention du réalisateur (jamais de voix off, on n'est pas dans du reportage).
C'est drôle car je venais de voir des films comme "Merci Patron" et "No Land's song", qui sont des documentaires à propos de l'intervention d'une personne par rapport à une situation donnée : la personnne qui fait le film témoigne du récit qu'il est en train de vivre (Dans "Merci Patron", le réal se filme sauver les Klur, dans "No Land's song", la réal se filme monter son concert de femmes en Iran). Là, on change donc entièrement de registre : le réal pose ses caméras absolument partout, saisit une sorte d'instantané du quartier, s'en va, en construit patiemment son film en salle de montage.
Ainsi, on voit énormément de choses, et les problématiques qui se dessinent ne se voient pas donner de résolution. Je comprends ce parti pris : comme je viens de le dire, il y a un côté "instantané" : Wiseman présente Jackson Heights tel qu'il est au moment où il tourne son film, point.
Bon, j'ai dit que je serais concis et efficace, mais je crois que j'ai déjà loupé mon coup… Enfin, on reprend. Le réalisateur a donc posé ses caméras absolument partout, en trois heures, on aura l'impression d'avoir tout vu. Cependant, des moments de réunions sont régulièrement privilégiés, parfois de manière poignante avec cette femme qui raconte la perdition de sa fille dans le désert, ce commerçant qui explique la gentrification en cours du quartier, cette très vieille femme qui a perdu goût à la vie et s'ennuie, ce cours en indien pour devenir chauffeur de taxi… Entre tous ces longs segments, un peu tout et n'importe quoi : un abattoir, un salon de manucure, un salon de toilettage pour chien, la boutique d'un tatoueur, un cours de danse du ventre, et ainsi de suite. Je vous l'ai dit : vous verrez Jackson Heights dans ses moindres détails.
Enfin, c'est un film sur une communauté, car le quartier forme une communauté, très unie et vivante (d'où sans doute autant de réunions tout au long du film). Une communauté absolument multi-culturelle (on est dans un "quartier-monde", toutes les ethnies, toutes les religions sont représentées) et ouverte (les LGBT sont très représentés). Au fond, on voit l'Amérique sous son meilleur visage. Pourtant, le quartier est menacé : les petits commerçants ferment boutique, "GAP" s'installe, sans doute bientôt suivi par d'autres, et les loyers augmenteront de manière à faire déguerpir tout le monde, tout ça par la faute du capitalisme qui permet à tout cela d'arriver. De là à dire que "In Jackson Heights", en traitant d'un quartier, traite en fait de l'Amérique en général ? Peut-être.