Je me souviens du choc Head On, découverte brutale et intense du cinéaste Fatih Akin, de la fureur, d’un certain esprit punk, et d’un portrait de femme révoltée dont certaines images me frappent encore aujourd’hui.
Passé à la hype cannoise pour un film largement surestimé (De l’autre côté), le réalisateur a fini par disparaître un peu des radars, avant d’orchestrer ici son grand retour sur la Croisette, occasion rare s’il en est de projeter un film allemand.
Nouveau portrait de femme, Aus dem Nichts commence par le choc : une explosion, la mort du fils et du mari.
Comme dans tout film passant par la case justice, l’exposition a surtout pour but de disséminer les petits cailloux nécessaires à remplir les chaussures de la victime lors de la future instruction : son mari avait beaucoup de liquide, elle se drogue, elle boit, elle est tatouée. Le procès, très long, n’est pas inintéressant, mais laisse clairement voir les coutures vers lesquelles on nous dirige. Il s’agit moins d’une joute formelle que d’un joli petit écrin tragique destiné à faire mourir deux fois les victimes, attisant ainsi le désespoir de la survivante, et l’indignation du public.
Diane Kruger ne démérite certes pas, et c’est plutôt à l’écriture qu’on peut faire des reproches. Cette accumulation poussive de motifs de tristesse (rupture avec les beaux-parents l’accusant de négligence, injustice flagrante, récurrence des scènes de défonce pour accroître l’ostentatoire de la douleur), agrémentée de symboles de la même pesanteur (une scène bien putassière de tentative de suicide, puis l’aménorrhée avant le retour salvateur d’un sang neuf, pitié) a déjà de quoi laisser sur le carreau en termes d’empathie.
Mais tout cela n’est rien à côté de ce que nous réserve Fatih Akin pour son dernier chapitre.
Tous les éléments la justifiant à ses yeux, voici donc l’heure de la vengeance. A la narration plus que médiocre, digne d’un téléfilm (genre : les deux méchants expliquant sur les réseaux sociaux o ils sont, ou encore parlant devant leur caravane pour bien expliciter que 1, ils sont les coupables, et 2, ils sont prêts à continuer et tuer l’héroïne) s’ajoutent des atermoiements (grâce à un oiseau, oui, oui) supposés d’une certaine épaisseur psychologique… qui n’empêcheront nullement à la loi du talion d’advenir, faussement emballée dans un attentat suicide supposé nous faire avaler la pilule avec émotion.
In the fade est une défaite sur tous les plans : son récit, son personnage, son message, sa catharsis. L’incendie numérique qui le conclut, dans un mouvement de caméra aussi tarabiscoté que vain, résume à lui seul la laideur et la vanité de toute cette entreprise.