Les larmes sèchent au soleil...
Le voilà, notre petit chouchou de la Compétition du Festival de Deauville, ce lointain cousin du très sensible Aftersun, auquel on avait déjà succombé. Voilà donc deux sœurs qui sont tout l'une pour l'autre (vous allez mettre deux minutes pour les adorer, et encore, si vous êtes lent), qui reviennent passer chaque été chez leur père (qui a perdu leur garde à cause de son alcoolisme), et qui essaient de passer au travers des colères du poivrot, pour profiter de ses moments de sobriété, où ce dernier se révèle être un très bon père, rigolo, et surtout dingue de ses deux princesses... Ah, ce que les bières et les bourbons peuvent nous paraître vilains, à toujours s'interposer dans le bonheur de ces trois gais lurons, et on crève d'envie (autant que les gamines) que Papounet se décide à se faire soigner. Mais comment ne pas parler davantage des deux sœurs qui illuminent (encore plus que le soleil si superbement filmé) le récit, avec pas moins de trois actrices respectives qui se succèdent aux rôles d'Eva et Violeta, dont les versions adultes (Sasha Calle et Lio Mehiel) sont deux gueules qu'on aimerait vraiment bien recroiser... Tandis que la grande sœur s'émancipe de cette famille très rapidement et radicalement (on ne va pas vous spoiler, mais elle choisit sa voie très nettement, et on craignait que cela coince avec le papa, ce que le récit a l'intelligence d'éviter), la cadette a tendance à suivre le modèle du patriarche, et
à noyer son chagrin au fond du verre de bourbon
... On adore suivre d'été en été les nouvelles péripéties des sœurs, leurs déceptions et leurs joies, comme des montagnes russes émotionnelles dont on ne veut pas descendre (même dans les moments tristes), et qui s'appuient sur les différentes actrices toutes formidables. À cela, on ajoute pêle-mêle un rôle du père défendu corps et âme par Residente (un rappeur portoricain : oui, vous avez bien lu), un chef-opérateur qui mérite son salaire (que c'est beau, visuellement... Voyez ce désert de sable blanc avec la famille qui porte chacun une luge de couleur, comme des champignons multicolores et de toutes tailles, égarés sur une feuille blanche où bientôt les rires vont s'écrire, voyez ce soleil capté au matin, au zénith et au crépuscule, qui annonce les moments de bonheur rayonnants avant les moments pénibles en début de soirée où l'alcool commence à couler), et aussi un sens du détail très poussé. On repense à cette scène où les sœurs font la rencontre
de la nouvelle fille de leur père, mal à l'aise, et demandent une bière pour briser la glace, ce à quoi le père répond qu'il n'en a plus. On voit immédiatement passer une lueur d'espoir dans les regards des sœurs ("Ça y est, il s'est enfin décidé à se faire aider !"), mais lorsqu'il revient de la supérette avec le pack de bières achetées sur l'instant, on voit les visages se fermer en une fraction de seconde. "On s'en va." lâche l'aînée. Et les deux sœurs décampent. Derrière nous, consternation d'une classe d'étudiants ("Mais, elles demandent des bières, et après elles s'en vont !"). Ce qu'ils ont raté : dans le pack de bières, ramenées en deux minutes de la supérette, il manque une bière... Il n'est absolument pas guéri, ne sait toujours pas contrôler son addiction, et l'absence d'alcool dans la maison n'était qu'une façade pour la venue des filles.
En cinq minutes de film, on a su que ce In the Summers nous parlait vraiment de cinéma, avec un jeu d'actrices tout en finesse pour en dire plus, avec un petit détail qui influence toute la suite du récit, avec un respect pour le spectateur (il ne nous sur-explique rien, il nous considère assez grands pour suivre tout seul : une rareté). On pourrait parler des plombes (jusqu'au crépuscule) de ce si joli film sur les relations humaines compliquées entre père et filles, sur le lien entre personne toxique et addiction, mais aussi sur toutes les mains tendues qui soudent cette famille. On repart de cet été en emportant comme une carte postale ce dernier plan : un regard complice, plein d'amertume et de résilience, qui cherche à quatre yeux le rayon de soleil même en sachant que la nuit finira par arriver.
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Créée
le 20 sept. 2024
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