Dans sa note d’intention, le réalisateur Gianfranco Rosi (Fuocoammare, Notturno, Sacro Gra) s’interroge : « Peut-on faire un film sur l’un des chefs religieux les plus connus du monde en mettant de côté toute théologie et idéologie, et ne raconter que la simple histoire d’un homme qui découvre le monde comme il est ? ».

À l’épreuve du Bac philo vous auriez disposé de 4 heures. Les plus audacieux auraient répondu « Sans doute que non bien sûr » avant de rendre leur copie et de filer retrouver leur liberté. Vous les auriez regardé partir avec envie avant de vous reconcentrer sur votre page blanche. Quel est le contexte de ce film et pourquoi diable vouloir filmer le Pape ?

Gianfranco Rosi a rencontré ce dernier au Vatican lors de la projection de son documentaire Fuocoammare qui porte sur la crise migratoire à Lampedusa, l’une des préoccupations majeures du Saint-Père argentin. Comme le voyage est un motif récurent à tous ses films, Rosi a demandé au Vatican à visionner des images du Pape lors de ses différentes représentations publiques, et c’est là qu’est née l’idée d’In Viaggio.

Noyé dans des centaines d’heures de rushes d’images d’archives où se mêlent également des séquences qu’il a lui-même tournées, Rosi a tenté de condenser son documentaire en 80 minutes durant lesquelles François est de tous les plans, toujours en mouvement. De son premier voyage à Lampedusa en 2013, en passant par sa venue aux Philippines tout juste après le Typhon Yolanda, ou encore en Arménie, le montage didactique opère toujours de la même façon. Des images illustrent les différentes tragédies passées et présentes que subit l’humanité, et se substituent aux marées de fidèles et discours de paix, d’union et de réconfort que prononce le Pape dans plusieurs langues. S’il n’appelle pas à la solidarité, il dénonce les conflits et dégradations climatiques, puis fend et salue la foule depuis sa Papamobile tel Moïse écartant la Mer Rouge, avant de reprendre son avion privé escorté par deux autres coucous haut de gamme.

Vous aussi vous commencez à le voir venir le paradoxe ? Si Rosi a effectivement fait un film sur le Pape qui fait le tour de monde en se désolant que la misère existe encore, tout tend à le montrer tel un messie moderne, bienveillant mais intouchable et à la parole divine. Rien ne nous laisse apercevoir l’homme sous la soutane et rien n’écorche jamais son image. Ou alors si, peut-être une scène lorsqu’il donne une conférence de presse pour faire son mea culpa auprès des victimes de violences sexuelles au sein de l’Église, qu’il avait auparavant déconsidérées « fautes de preuves ».

À défaut donc de dissocier l’homme du pontife, In Viaggio a au moins le mérite de multiplier les citations dignes de coach en développement personnel. « La globalisation de l’indifférence nous a ôté notre capacité à pleurer. » mais « Ne te replie pas, ouvre-toi et rêve ».

Allin
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le 14 déc. 2022

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