Fin des années 90, M. Night Shyamalan inscrivait son nom à la liste des réalisateurs sur qui compter. Un an après avoir fait trembler les salles obscures face au visage terrifié d'Haley Joel Osment, un an après avoir laissé des bouches béantes face à un twist maîtrisé, Incassable, je m'en souviens, était plus qu'attendu au tournant. Qu'allait donc nous servir l'ancienne nouvelle Hitchcoqueluche d'Hollywood ?


A priori, rien d'extraordinaire en la personne de David/Bruce Willis, présenté immédiatement comme un homme calme, simple, pensif, et dont le mariage bas de l'aile. Face à lui, Elijah/Samuel L. Jackson, atteint d'ostéogenèse imparfaite, la maladie des os de verre pour les intimes, adorateur de comics, nerveux et agressif, enfermé dans une souffrance morale puisque physique.
David sera quelques minutes plus tard le seul survivant d'un déraillement de train. Le seul survivant sans une seule égratignure. Une seconde chance qui va nous permettre de rentrer dans son quotidien pour découvrir qu'il est, comme son futur antagoniste, pris dans la torpeur d'un quotidien sans but ni saveur.
Agent de sécurité en pleine crise de la quarantaine, entre une femme qui va tenter de recoller les morceaux d'un couple désuni et un fils persuadé que son père vaut bien plus que ça, il n'en faut pas plus au réalisateur de Sixième sens pour faire de son film de super-héros, un film d'hommes et de femmes ordinaires.


Ici, la recherche de ce qui nous guide, de ce qui nous anime, passe par l'appropriation progressive du monde des comics et de l'extraordinaire. La bascule est lente, lancée par l'assurance d'Elijah et ralentie par le scepticisme de David. Les héros sont ceux du quotidien, aux prises avec leurs démons intérieurs et, si les antagonismes physiques se précisent au fur et à mesure, nos deux hommes brisés mais en pleine reconstruction embrasseront finalement leur nouveau statut dans un twist final, qui s'il fonctionne, est loin d'être nécessaire.


Car finalement, la force d'Incassable est bien au delà de la relecture du film de super-héros, elle se situe dans les creux de la vie, dans les questions existentielles auxquelles nous n'avons pas de réponses, dans les choix que nous faisons pour rester fidèle à nous même, dans les épreuves classiques du quotidien qui nous ralentissent tous à un moment ou à un autre. L'opposition est maîtrisée. David embrasse sa raison d'être et M. Night Shyamalan nous montre l'étendue de son talent de narrateur dans une scène à la force émotionnelle inattendue, ou la vie d'une famille en pause reprend en voyant les souhaits profonds de chacun exaucés.


Incassable n'a pas le style et le twist de son prédécesseur mais il n'en reste pas moins un film original et puissant sous une apparence classique... et classieuse.

RicowRay
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le 21 janv. 2019

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RicowRay

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