Infection
20 Septembre 2013 - An 3 après Infection. Voilà trois ans que le virus s'est déclaré, provoquant d'abord des petits changements, légers soubresauts de publics et rumeurs diverses s'amplifiant...
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le 20 sept. 2013
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Sorti en 2010 dans les salles obscures, Inception a été un choc pour moi. J'avais 14 ans et je commençais à m'intéresser de plus en plus au cinéma. Après des mois de teasing, j'attendais ce film en comptant les jours, influencé par un marketing habile qui avait réussi à faire planer tout du long le mystère sur le film. Ce dernier aurait pu être une déception, il n'en est rien! L'impact n'avait été que plus fort, surement influencé par l'attente qu'il a joué sur moi. En effet, Inception avait véritablement dépassé mes espoirs les plus fous: je n'avais jamais rien vu de tel au cinéma.
En effet, à l'époque, je n'avais encore jamais vu 2001, l'Odyssée de l'Espace, ni Blade Runner. J'avais peut-être vu Matrix, dont Inception emprunte directement des thèmes, mais c'est la première fois que je voyais un tel film au cinéma, un film accessible, à grand spectacle mais également « intelligent » et d'auteur... comme Matrix, en fait.
Je me souviens encore avoir mangé chez mes grand-parents avec deux de mes demi-soeurs (sur trois) le jour de la sortie du film, en plein mois de juillet. Cette association était peu commune pour moi, j'avais bien plus passer de temps seul avec la dernière de mes demi-soeurs, qu'avec les deux autres. Mon père leur avait dit qu'on allait voir ce film au cinéma le soir-même et elles avaient décidé de se joindre à nous. Arrivé.es dans la salle, il n'y avait déjà plus beaucoup de place. Mon père avait donc décidé de nous laisser nous asseoir, mes soeurs et moi, dans la seule rangée disponible avec trois places côtes-à-côtes... à l'extrême droite de la salle devant une barrière. Pas la place idéale, en somme.
Séparé.es de notre père, les lumières s'étaient éteintes, le logo de la la Warner avait apparu sur l'écran et la musique d'Hans Zimmer se faisait entendre. BOUM ! BOUM ! BOUM ! Les basses caractéristiques du compositeur faisaient trembler les sièges, quand soudain Léo apparaissait à l'écran, la tête dans le sable et la peau brûlée par le sel et le soleil.
Avec du recul, Inception a des défauts : trop verbeux, trop démonstratif, plus axé sur le spectacle que sur l'intime. Des défauts que l'on a continué de trouver par la suite chez Christopher Nolan, son réalisateur, et qui ont atteint leur paroxysme dans l'irritant Tenet.
Mais, bien plus que l'étiquette de « blockbuster intelligent » qu'il continue toujours de porter, ce film fait écho à des notions de narration spéculative.
En tout premier lieu, le film pose la question : Qu'est-ce que le réel?
En effet, le film relate les aventures de cambrioleurs particuliers qui s’infiltrent dans les rêves de leur cible, afin de lui dérober des idées et même de lui en implanter une, quitte à faire changer la réalité. Si on décide de croire l'improbable scénario, propre à la science-fiction, un monde de possibilités passionnantes s'offrent à nous.
Comment le rêve est-il retranscrit à l'écran ? Comment le trouble est-il semé chez le protagoniste qui doute de la réalité de la situation ? Comment ces niveaux de réalité viennent fragiliser le spectateur qui va se questionner sur sa réalité propre ?
Bien sûr, on retrouve tous ces thèmes dans Matrix et précédemment dans les livres de Philip K. Dick mais Inception propose une vision assez novatrice : retranscrire le rêve de manière... réaliste.
Point de fantaisie, de codes verts qui défilent verticalement ou de balles tirées au ralenti, le film préfère déformer sa réalité comme un trompe l'oeil. En effet, les immeubles se ferment les uns sur les autres, les escaliers n'aboutissent nulle part et le monde du rêve est perçu comme un labyrinthe à traverser. Le film nous demande à voir autrement et à changer de perspective, littéralement.
Malgré un classicisme évident et des références convoquant le film de braquage ou encore l'espionnage à la James Bond, le film arrive à assumer ses influences tout en les réinventant.
Prenons le personnage de Mall, interprétée par Marion Cotillard. Elle hérite de l'archétype de la femme fatale, séductrice par essence, et dangereuse pour le héros, mais à un détail près, c'est une représentation mentale du héros qui s'en veut de sa mort. Cela crée un paradoxe intéressant, le fait que Cobb (Leonardo DiCaprio) se sente responsable de la mort de sa femme rentre en contradiction avec la femme fatale, mauvaise par essence. Le film va constamment puiser dans son héritage tel que le film noir pour le réinventer et l'adapter à notre époque.
Que l'on ne se trompe pas, Inception reste un film d'hommes blancs (hormis Dileep Rao et Eliott Page), riches, en costard et avec des flingues qui veulent cambrioler d'autres hommes blancs, riches, en costard, avec des flingues. Christopher Nolan qui a toujours été conservateur dans ses films puise dans les références qui l'ont construit sans chercher à être révolutionnaire. Et c'est cette nuance qui m'a marqué en tant que spectateur de 14 ans. Mon imaginaire était également composé d'hommes blancs, riches, en costard, avec des flingues, fervent lecteur de Blake et Mortimer, enfant, puis grand fan des James Bond, adolescent, je n'étais pas vraiment ce qu'on peut appeler un produit de mon époque. En effet, je lisais bien plus d'histoires où les femmes étaient au second plan qu'au centre de l'attention. Et si ce n'était pas le cas, elles étaient montrées de manière dangereuse. Voir Xenia Onatop dans GoldenEye étrangler Bond avec ses cuisses dans un sauna, je peux vous dire que ça marque un gosse à vie.
Le personnage de Marion Cotillard qui reprend ses archétypes, mais de manière nuancée, a été un changement brutal dans mon regard sur ce cliché de femmes fatales et, osons le dire, sur les femmes.
Je n'en étais pas conscient à l'époque, retenant bien plus ses effets visuels et son scénario alambiqué, mais Inception m'avait marqué par l'histoire d'amour vécue entre ses deux personnages principaux, Mall et Cobb. Ce qui me reste du film, ce n'est pas de savoir si Cobb vit toujours dans les rêves où s'il a réussi à en sortir, mais la tragique histoire d'amour qu'il a vécu avec Mall. Prisonnier de son image, n'arrivant pas à faire le deuil de cette femme, enfermée dans la folie et qui délaisse ses enfants, les émotions m'envahissent entre la colère, la tristesse, le dégoût, la peur et l'amour, et ce, pour une même et unique personne. Comment des sentiments aussi différents et contradictoires peuvent-ils cohabiter et ressenti envers une même femme ?
Ici, point de scènes de sexe ou de fantasmes comme chez Lynch, cette vision très prude de la femme, comme les références qui ont construit son réalisateur et influencé son regard d'adulte, est de l'ordre de l'amour platonique.
Pendant une soirée d'octobre 2021, j'ai décidé de revoir Inception. Et à mon grand étonnement, j'ai ressenti un choc similaire à mon premier visionnage. J'ai terminé le film les yeux mouillés, tandis que la musique « Time » s'était arrêté, laissant place au générique.
Pourtant, j'avais changé depuis 10 ans, j'avais muri, mon esprit critique s'était affiné, mon esprit était plus ouvert et mes sens plus développés. Qu'est-ce qui avait pu me toucher, encore aujourd’hui, dans cette histoire d'hommes blancs, riches, en costard, avec des flingue ?
Tout simplement, le coeur du film, l'histoire d'amour entre Mall et Cobb.
Car si on enlève ce rythme épuisant, cette musique tonitruante, ces personnages archétypaux qui expliquent le scénario comme un élève devant son exposé, si on enlève toutes les couches du scénario faussement compliqué, les différents niveaux de rêves, l'attente insoutenable devant mon clavier à revoir la bande-annonce en boucle... Que reste-il ?
Mall et Cobb.
Pourtant d'autres histoires d'amour au cinéma m'ont infiniment plus marqué : Titanic, Eternal Sunshine of the Spotless Mind, Les Noces rebelles, La la land, Before Sunrise... (Trois films sur cinq avec Kate Winslet, il faut que j'en discute avec ma psy).
Si c'est cette histoire qui m'a marqué, c'est parce qu'elle m'a pris au dépourvu, cachée derrière un pseudo James Bond. Inception est un miroir déformant, une capsule temporelle, mais également un fauteur de trouble, un faux blockbuster, un mauvais film d'auteur. Une simulation, comme Matrix à son époque, dont le message originel est l'amour, encore une fois. Les sentiments masqués par des réflexions philosophiques, des mecs en costard et de la musique assourdissante. Cette musique de pompier qui n'attend que notre relâchement pour mieux nous traverser par la magnifique musique « Time ». Comme si elle n'osait pas s'assumer pleinement et avait besoin de trompettes et de grosses basses pour se camoufler.
Les lumières s'étaient rallumées dans la salle, une de mes soeurs nous avait dit qu'elle avait lu les sous-titres en allemand et qu'elle comprenait mieux le film de cette façon. Elle en a surement eu une toute autre interprétation.
Ce moment n'arrivera plus jamais, une réunion familiale idyllique comme il y en a eu peu, un moment hors du temps, une première fois, un premier amour.
Inception, c'est l'histoire d'un gosse qui pensait un peu trop et qui avait du mal à exprimer ses sentiments.
Aujourd’hui, je recommence à respirer.
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Créée
le 11 janv. 2023
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