Bon, j’attaque fort : Inception. Ce thriller à concept nous vient d’un certain Christopher Nolan, unanimement reconnu pour ses scénarios sombres et complexes, traitant de thèmes aussi simples que délicats (The Dark Knight, Memento, …). Et justement, après le succès de The Dark Knight, il se lance dans une nouvelle aventure, les rêves, avec un casting de feu et une originalité sans limite en renfort. Ni plus ni moins le crime artistique du siècle.
Déjà, la facture technique est purement excellente : des décors sublimes et pertinents (on voyage littéralement avec Cobb dans les différentes strates du rêve), des effets spéciaux présents et toujours maîtrisés, car jamais dans la surenchère (un Michael Bay nous aurait sûrement fait exploser tout Paris lors de l’atelier découverte d’Ariane). Seulement ce qui est nécessaire au déroulement de l’histoire nous est montré (par souci de crédibilité, sinon on revient au blockbuster dégoulinant d’explosions à la chaîne), et ça suffit largement à nous divertir visuellement (les projections s’en prennent quand même plein la gueule).
Mais venons-en à l’histoire en elle-même. Alors oui, c’est rare quand blockbuster rime avec intelligence, mais là, ce scénario made-by-Nolan nous réconcilie avec les bienfaits du pognon dans le milieu du cinéma : avec un budget de 160 millions de dollars, le résultat est franchement à la hauteur. Le film est concrètement divisible en deux grandes parties, la préparation de l’inception, et l’inception elle-même, soit l’insertion d’une idée dans le subconscient d’une victime. Le thème de base est pourtant simple au possible : un rêve partagé. C’est con, quand on y pense, non ? Déjà surexploité (Total Recall, Au-Delà de Nos Rêves, …), certes, mais tout le génie repose sur le traitement et l’exploitation de l’idée, et c’est là que Nolan entre en scène. Le personnage central incarné par the master DiCaprio nous expose son passé à la manière d’un puzzle qui se reconstitue tout au long du film (c’est pourquoi on ne comprend pas tout de suite la première scène, bien expliquée dans la dernière étape de l’inception) : quelques pièces sont dévoilées au début, ensuite les unes après les autres. On se retrouve très vite propulsé au centre de la préparation du groupe.
À proprement parler, il existe une double intrigue pour le spectateur : la première est ce fameux puzzle (le passé de Cobb que l’on cherche à comprendre : quelle est la blessure de Cobb ?) et la seconde est la réalisation de l’inception, avec les moyens offerts par le monde qui nous est exposé (existence de sédatifs, rôle du subconscient, décors du rêve montés au préalable par un architecte, … : comment réaliser une inception ?). On découvre ainsi avec fascination toutes les nouvelles possibilités que ce monde nous offre, tant dans le réel que dans l’irréel. Et c’est en cette double intrigue que réside la force du film : le braquage de l’esprit est bien sûr la principale attraction du film, repoussant les limites au-delà de l’extraction, à première vue. Mais dépourvu d’émotion, sans donner le temps à Cobb de se dévoiler, le tout serait resté profondément inhumain. Du même coup, son histoire si tourmentée justifie son engagement dans une telle aventure ! Pour cela, chaque scène apporte son lot d’informations (par exemple, on nous montre très rapidement que l’esprit d’équipe est absolument indispensable, chacun ayant un rôle bien précis dans la manipulation (architecte, chimiste, extracteur, …)), et chaque manœuvre est expliquée. Tous les détails sont exposés avec tellement de subtilité que l’on pourra revoir le film plusieurs fois, en décelant toujours de nouvelles informations secondaires lors d’un nouveau visionnage. Enfin franchement, il s’agit d’une prouesse scénaristique d’arriver à exposer un monde si riche et détaillé (des trouzaines de détails concernant le déroulement de l’inception) avec une telle cohérence sans faille !! Le film se nourrit de nombreux symboles, montrant bien que le projet n’a pas été bâclé en 3 semaines (pas comme le scénario de Cartel): par exemple, les limbes évoquent une terre en perdition, les immeubles s’apparentent à des glaciers ; le prénom Ariane était celui de la princesse grecque antique ayant permis à Thésée de sortir du labyrinthe du Minotaure ; …
Quant on voit certains qui réussissent l’exploit d’être incohérent avec une trame on ne peut plus banale et clichée (par exemple ? bah, je sais pas, moi, Eragon ?) ... Ici, on dirait carrément l’adaptation (réussie) d’un livre ! Chaque personnage a son utilité propre, et tous réagissent vraiment de manière crédible : Saito, bien que « criminel indirect », reste celui qui sauva Cobb ; la cible Fisher est bouleversante grâce à un Cilian Murphy en grande forme, montrant toute son évolution durant l’insertion de l’idée ; le caractère curieux d’Ariane la mène naturellement à poser des questions (ce qui la rend unique par rapport aux autres), ce qui la rapproche du spectateur, découvrant l’histoire en même temps que nous. Cotillard en Mal (Mallorie) incarne très bien cette femme refroidie n’étant devenue que l’ombre d’elle-même, en essayant logiquement d’attirer Cob vers elle en jouant sur son désir. Enfin, Arthur, Eames et Yusuf apportent quelques notes d’humour pour détendre le tout.
Enfin, avec un somptueux épilogue où la musique prend toute son importance (j’y viens), la fin ouverte laisse place à une ambigüité des plus appréciables (cette toupie va vous hanter !!), n’arrêtant pas forcément le film sur un simple « happy end ».

Et pour vous montrer à quel point Nolan a toujours eu le talent de s’entourer d’une bonne équipe, dernier argument avec la musique (hormis le clin d’œil complètement involontaire à Marion Cotillard, avec le signal d’alarme lors des rêves qui n’est ni plus ni moins que la chanson « Non, Je Ne regrette Rien » d’Edith Piaf !). Pour la troisième fois, Hans Zimmer a été appelé pour concevoir une BO mémorable digne de ce nom, pour un film très moderne d’une grande simplicité (à la base), et la musique se ressent telle quelle : quasi-intégralement électronique (on peine à reconnaître les instruments à vent), l’ensemble se révèle en parfaite adéquation avec les images, que ce soit pendant les scènes d’action (Dream Is Collapsing et 528491 se révèlent très chargées et se veulent fatalistes) que pendant le monologue de Cobb dans la première strate de rêve (Old Souls utilise des sonorités à la fois nostalgiques et lointaines, purement de la musique d’ambiance) et surtout l’épilogue (Time, waow, sans déconner !!). Les thèmes sont vraiment épurés, pour le coup : en effet, celui de Cobb comporte 8 notes regroupées par paquet de 2, toutes de même longueur, intervalles courants (5tes juste, 8ve juste pour les connaisseurs), mais il est tellement bien exploité et développé tout au long du film qu’il se révèle être très pertinent pour décrire une personne dont le désir le plus cher est tout ce qu’il y a de plus naturel : revoir ses enfants. Les autres (thème de l’irréel, thème de la mort, …) sont d’ailleurs tout aussi bien déclinés tout au long du film. Aux multiples ambiances, cette Bo épouse parfaitement le film en se révélant très versatile, et demeure un plaisir à écouter tant à part que dans le film.

Un véritable chef d’œuvre, lesquels que Nolan commence à nous habituer, mais celui surpasse de loin les autres. Comme quoi on peut vivre des aventures extraordinaires sans bouger de son fauteuil !

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le 29 déc. 2013

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Soundtrax

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