Où l’on découvre que, dans la Jordanie actuelle, une veuve, même mère, n’est que de peu de poids, parmi les héritiers de son défunt mari, si elle n’est pas mère d’un fils…
C’est ce dont Nawal - magnifique Mouna Hawa, d’une austérité si sévère ou d’une sensualité si touchante, selon que ses cheveux sont couverts et étroitement plaqués ou rendus à leur déferlante liberté - fait l’amère expérience, lorsque son jeune époux décède subitement. Après les condoléances et commisérations d’usage, les menaces s’amoncellent, émanant d’un beau-frère particulièrement double, Rufqi, campé de façon très convaincante par Haitham Omari : risque de perdre son appartement, les héritiers latéraux se voyant privilégiés sur l’épouse, tant que celle-ci n’a pas de fils, et même risque de se voir confisquer son unique fille par ce redoutable parent. Nuages noirs auxquels s’ajoute la perte de son emploi d’aide-soignante, pour s’être impliquée un peu trop activement dans l’avortement décidé par l’une des filles de la famille qui l’emploie auprès de l’aïeule.
Le tout pourrait être traité sur un mode tire-larmes et mélodramatique mais toute l’intelligence du réalisateur jordanien Amjad Al Rasheed (1985 - ) réside dans le choix d’un réalisme implacable, qui fait ressortir d’autant plus belle manière l’humanité des êtres, et par là même l’émotion. Secondé au scénario par Rula Nasser, également coproductrice, et Delphine Agut, il prête à Nawal un stoïcisme si endurant et déterminé que le personnage suscite l’admiration, plutôt que la pitié. Les plans de Kanamé Onoyama présentent l’héroïne, surtout lorsqu’elle se trouve chez elle, dans le surcadrage des montants d’une porte, au bout de l’étroitesse d’un couloir ou d’une entrée, illustration très concrète du carcan qui emmure les femmes au sein de cette société régie par les pères, les frères, et la religion.
Fort heureusement, un point de fuite se dégage, grâce à un beau personnage masculin, le sensible Hassan (Eslam Al-Awadi), et à un véhicule, le pickup du mari, auquel Nawal s’attache inexplicablement, alors qu’elle ne sait pas, pas encore conduire… Espace mobile et intime, qui permet de sortir d’Amman, la capitale congestionnée, et de s’affranchir des règles qui l’enserrent et la régentent strictement. Sans compter, peut-être, l’intervention d’un petit deus ex machina de touchante facture…
Premier long-métrage d’Amjad Al Rasheed, Inchallah un fils réalise la prouesse de ne pas oblitérer l’espoir, sur fond d’un constat qui n’édulcore en rien la situation des femmes prisonnières de sociétés corsetées.
Critique également disponible sur Le Mag du Ciné : https://www.lemagducine.fr/cinema/critiques-films/inchallah-un-fils-film-amjad-al-rasheed-avis-10067376/?fbclid=IwAR1zCVQcYRRa5J7zpKK8dNpcoNjIMH9G_ubXDxsv9_iG1SPlxVzDyTZiUP4_aem_AVj2mIyCSFeJJmC8RHWxxVfCdfLyIEtXol3RhRhu8qcCaZIimdhyNgidsgEP1B7rygI