« Archimedes didn't know about continental drift ! » INDIANA JONES

En 2012, le rachat de Lucasfilm par Walt Disney Pictures marque un tournant décisif pour l'industrie cinématographique, et en particulier pour les fans d'aventures légendaires. Ce rachat octroie à Disney les droits exclusifs sur les créations de George Lucas, parmi lesquelles Indiana Jones, une saga qui incarne l'émerveillement et l'exploration de l'inconnu. Avec l'ambition de réactiver les franchises phares, Disney s'assure également de conclure un accord avec Paramount Pictures, déjà engagée dans des plans pour un cinquième volet des aventures d'Indi.

En 2015, l'annonce que Steven Spielberg reprendrait les rênes de la réalisation alimente les espoirs des amateurs d'épopées palpitantes. Le retour de David Koepp, scénariste de Indiana Jones and the Kingdom of the Crystal Skull, laisse cependant planer une certaine appréhension. Si l'ombre de l'aventure demeure, les critiques mitigées du précédent film rappellent que maintenir l'esprit authentique d'Indiana Jones est une tâche ardue. Pourtant, cette première phase de production nourrit une anticipation fébrile, dans l’attente d’un souffle narratif capable de ressusciter les exploits audacieux du célèbre archéologue.

En 2020, on attendait le retour d’Indiana Jones sur les écrans. Cependant, un rebondissement inattendu survient : Steven Spielberg, pilier historique de la saga, annonce qu'il ne dirigera finalement pas le film. Ce départ, justifié par un emploi du temps chargé, sème le doute et le désarroi. Bien qu’il reste producteur, la vision fondatrice du cinéaste s’efface au profit d’une nouvelle direction. Le départ simultané de David Koepp accentue cette incertitude, laissant l’avenir du projet enveloppé d’un brouillard d’incertitudes.

Dans cette odyssée tumultueuse, une constance demeure : John Williams. Compositeur emblématique de la saga, il reprend son poste promettant de renouer avec les thèmes iconiques tout en enrichissant l’univers sonore d’Indy. Autant le dire tout de suite, sa musique agit comme une boussole émotionnelle, guidant les spectateurs dans un voyage où chaque note évoque l’émerveillement, le danger et l’exploration. Avec John Williams, l’aventure trouve son écho intemporel, rappelant que certaines voix restent éternelles, même dans une époque de transformations.

Le choix de James Mangold pour succéder à Steven Spielberg marque une bifurcation audacieuse dans cette quête cinématographique. Réputé pour ses récits puissants, Mangold s’entoure des frères scénaristes Jez Butterworth et John-Henry Butterworth avec qui il a déjà écrit Ford v Ferrari pour redéfinir l’épopée. Ce changement de cap s’apparente à une expédition à travers un territoire inexploré, où la tension entre fidélité au passé et innovation devient une boussole fragile.

La collaboration avec James Mangold injecte un souffle nouveau, mais la pandémie de COVID-19 vient ajouter des obstacles imprévus. Le film est encore repoussé, symbolisant une aventure tortueuse même en dehors des écrans.

En 2023, après un long périple de production, Indiana Jones and the Dial of Destiny trouve enfin son public lors d’une avant-première hors compétition au prestigieux Festival de Cannes. Cet événement, empreint de glamour et de nostalgie, annonce un retour triomphal de la saga dans les salles obscures en juin.

Dès l’introduction, le film nous plonge dans un décor familier, porté par la performance d’un Harrison Ford et d’un Mads Mikkelsen rajeunis numériquement. Le duel entre Indiana Jones, le héros légendaire, et Jürgen Voller, l’antagoniste inspiré de Werner von Braun, s’installe avec force. Cette entrée spectaculaire, rythmée par une course-poursuite palpitante, pose le ton du film : une aventure effrénée où passé et présent s’entrelacent. Bien que la technologie du rajeunissement numérique suscite admiration et débat, elle parvient ici à rendre hommage à l'âge d'or d'Indi tout en introduisant une nouvelle dynamique visuelle.

Harrison Ford livre une performance d’une profondeur émotionnelle remarquable, incarnant un Indiana Jones vieilli, désabusé, mais toujours animé par une flamme indomptable. Cette version vulnérable de l’archéologue ajoute une nouvelle dimension au personnage, révélant les cicatrices laissées par ses aventures passées et sa solitude. James Mangold a su doser habilement les scènes d’action, ne tombant pas dans l’exagération malgré l’âge avancé de Ford. Son jeu, teinté de nostalgie et de gravité, offre une interprétation poignante qui résonne avec les spectateurs tout en restant fidèle à l’essence du personnage.

Mads Mikkelsen excelle dans le rôle de Jürgen Voller, un antagoniste froid et calculateur, rappelant les méchants classiques des films d’Indiana Jones. Son personnage, directement inspiré de la figure controversée de Werner von Braun, incarne une menace subtile et crédible. Mikkelsen, fidèle à sa réputation, maîtrise l’art de mêler charisme et dangerosité, offrant un contrepoint parfait à l’humanité d’Indiana Jones. Sa présence à l’écran est magnétique, bien qu’on puisse regretter que son personnage ne soit pas davantage développé pour exploiter pleinement ses motivations.

Werner von Braun, est l’un des esprits les plus brillants (et controversés) de l’histoire scientifique moderne.  Il montre très tôt une fascination pour l’espace et les sciences. Inspiré par les écrits de pionniers, il nourrit le rêve de construire des fusées capables d’explorer les étoiles. Dans les années 30, von Braun rejoint l'armée allemande et devient un acteur central dans le développement des fusées balistiques sous le régime nazi. Son travail culmine avec la création de la fusée V-2, première arme balistique de l'histoire, utilisée par l'Allemagne pour bombarder des villes alliées pendant la Seconde Guerre mondiale.

À la fin de la guerre, von Braun et une partie de son équipe se rendent aux forces alliées, anticipant la défaite de l'Allemagne. En 1945, il est intégré dans le cadre de l'Opération Paperclip, un programme américain visant à recruter des scientifiques allemands pour leurs compétences, tout en minimisant leurs liens avec le régime nazi. Cette décision pragmatique mais moralement ambiguë permet aux États-Unis de bénéficier de l’expertise de von Braun en matière de fusées.

Aux États-Unis, von Braun joue un rôle déterminant dans le développement de la technologie spatiale, passant de la conception d'armes militaires à des applications pacifiques. Il devient directeur du développement des fusées pour l'armée américaine, puis rejoint la NASA après sa création en 1958. Son projet le plus emblématique est la fusée Saturn V, qui permet le programme Apollo et les premiers pas de l’humanité sur la Lune en 1969. Von Braun devient alors un héros de l’ère spatiale, incarnant l’ambition et l’ingéniosité humaines dans la conquête de l’espace.

Malgré ses succès scientifiques, la carrière de Werner von Braun soulève des questions éthiques persistantes. Sa participation au programme nazi et son implication dans l'utilisation de la main-d'œuvre forcée restent des aspects sombres de son héritage. Certains voient en lui un opportuniste, prêt à servir des régimes pour réaliser ses ambitions technologiques, tandis que d’autres le considèrent comme un visionnaire, motivé par le rêve d’exploration spatiale.

Revenons au film avec Phoebe Waller-Bridge qui incarne Helena, la filleule d’Indi, un personnage qui oscille entre charme et légèreté. Si Waller-Bridge est une actrice talentueuse et apporte une énergie rafraîchissante, Helena peine à s’imposer comme une figure mémorable de la saga. Elle est accompagnée de Ethann Isidore, un jeune Français incarnant un acolyte serviable mais sans véritable impact. En comparaison, les anciens compagnons d’Indi, comme Demi-Lune, avaient un attachement bien plus marqué. Ce duo fonctionne, mais manque de profondeur et d’émotion pour égaler les personnages secondaires iconiques de la franchise.

Le plaisir de revoir des visages familiers, comme John Rhys-Davies et Karen Allen, apporte une touche de nostalgie bienvenue, bien que leurs apparitions soient trop brèves pour marquer durablement. Antonio Banderas, un nouveau venu, s’intègre avec efficacité mais reste sous-exploité, son rôle étant presque anecdotique dans l’histoire.

La marque de fabrique d’Indiana Jones, les courses-poursuites trépidantes, est omniprésente dans ce cinquième volet. Dès les premières minutes, le spectateur est entraîné dans une avalanche de péripéties : à bord d’un train, à moto, dans une cavalcade effrénée dans les rues de New York ou encore dans les tunnels du métro. Ces séquences, filmées avec une grande maîtrise par James Mangold, exploitent pleinement les capacités du réalisateur, déjà reconnues dans Ford v Ferrari. Bien que l’action soit haletante, l’âge d’Harrison Ford limite parfois l’intensité physique de ces scènes, ce qui est compensé par une mise en scène inventive et soignée.

La saveur nostalgique du film repose sur une combinaison habile de casting, de musique et de costumes. John Williams, fidèle compositeur de la saga, insuffle une magie intemporelle grâce à ses thèmes musicaux, qui font vibrer la corde sensible des fans de longue date. Les costumes, soigneusement conçus, et les clins d’œil aux films précédents renforcent cette immersion dans un univers familier. Cependant, malgré ces efforts, le film ne parvient pas à égaler la vivacité et l’énergie des trois premiers volets. La trilogie originale, avec ses récits audacieux et son souffle d’aventure inimitable, demeure inégalée. James Mangold donne tout pour honorer cet héritage, mais il manque cette étincelle unique, cette alchimie entre les personnages et les péripéties qui faisait vibrer les spectateurs des films de Steven Spielberg.

Indiana Jones and the Dial of Destiny est une aventure honnête et bien réalisée, marquée par des moments de nostalgie et des scènes d’action captivantes. Harrison Ford offre une prestation mémorable, mais le film souffre d’un manque de profondeur dans certains personnages secondaires et peine à raviver pleinement la magie des premiers opus. James Mangold réussit à maintenir l’esprit de la saga, mais le poids des attentes et l’ombre des chefs-d’œuvre passés rendent cette quête inégale. Un dernier chapitre à la fois respectueux et imparfait, qui célèbre l’héritage d’Indiana Jones tout en laissant un sentiment de nostalgie douce-amère.

StevenBen
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il y a 14 heures

Steven Benard

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Plume231
1

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