Un malheureux concours de circonstances précipite Indiana Jones (Harrison Ford) au cœur de la jungle indienne. Là, il va devoir affronter une dangereuse secte qui arrache les cœurs de ses ennemis et réduit en esclavage les enfants des villages alentours…
Dès la scène d’introduction, Steven Spielberg pose les termes du contrat de manière très claire. La grande devise de cette grande saga est le divertissement total. Et de fait, pas d’erreur, le divertissement est partout dans ce volet, peut-être encore plus réussi que le pourtant excellent premier volet. Il faut dire que par son dynamisme fou, la séquence d’introduction suffit à elle seule à faire passer James Bond pour un vieillard arthritique. De la poursuite effrénée dans les rues de Shanghai au saut en canot gonflable depuis un avion en panne, ce premier quart d’heure de film ramène le spectateur aux fondamentaux de la saga : toujours plus grand, toujours plus fou, toujours plus jouissif.
Si l’heure qui suit s’avérera plus sage, c’est pour mieux poser les bases d’un scénario, qui ne s’embarrasse pas de twists à répétition pour perdre son spectateur, mais déroule une ligne très claire jusqu’à son terme de manière simple et pourtant profondément originale.
D’un classicisme intemporel au charme toujours intact, c’est précisément ce qui fait la plus grande réussite d’Indiana Jones : reprendre les codes d’un ancien cinéma, qui a fait ses preuves depuis longtemps (ce qui autorise même Spielberg à reprendre avec une jubilation évidente tous les clichés coloniaux, sans les ridiculiser pour autant... chapeau !), et les moderniser par un travail formel novateur. C’est bien ce que nous propose ici Spielberg, dont la puissance visuelle atteint des sommets. Plus que jamais, la caméra de Douglas Slocombe devient les yeux du spectateur pour l’immerger totalement dans une atmosphère angoissante et incroyablement prenante, se faufilant avec une aisance déconcertante entre les éléments du décor, portant à son plus haut degré l’illusion cinématographique, comme en témoigne un générique de génie où le mur entre l’illusion et la réalité est brisée dans une scène mémorable de comédie musicale extradiégétique. Chaque plan est une merveille d’inventivité et rappelle à point nommé qu’il n’y a point de bons artistes sans de bons artisans.
Mais si le directeur de la photographie est toujours un des principaux héros d’un film, quel qu’il soit, il n’est pas seul. Et l’on ne peut se permettre de chanter les louanges d’un aussi grand film qu’Indiana Jones et le temple perdu sans célébrer les noms de ceux qui ont permis à un tel chef-d’œuvre de voir le jour…
On ne peut que s’émerveiller comme un enfant face à l’ampleur des décors titanesques d’Elliot Scott, d’une force saisissante, tout comme les costumes d’Anthony Powell et les maquillages de Tom Smith (qui ont travaillé avec les plus grands : Cukor, Polanski, Mankiewicz, Wilder, Edwards, Kubrick… Il n’y a pas de hasards), qui donnent vie avec une puissance d’évocation terrifiante à la secte diabolique (et historique, quoiqu’évidemment fantasmée) des Thugs. Le travail acharné de ces hommes de l’ombre permet ainsi au film de Spielberg de revêtir une identité toute particulière, tout-à-fait inimitable. Comme sur le premier volet, le montage de Michael Kahn, un grand fidèle du réalisateur, est un modèle absolu de montage cinématographique, magnifiant la photographie avec un art consommé, et captant le moindre détail de l’action afin de le restituer toujours amplifié (voir la descente dans le gouffre incandescent, d’une longueur joyeusement exagérée) pour le plus grand plaisir du spectateur.
Il en est de même pour la musique de John Williams, qui s’entremêle aux images avec un génie incommensurable, au point qu’on est en droit de se demander si l’action tiendrait toujours debout sans les merveilleuses notes du compositeur pour lui donner toute sa saveur. Véritable suite symphonique lorgnant fortement du côté d’un Sergueï Prokofiev et d’un Gustav Holst, teintés de Miklos Rosza, la partition enchaîne les morceaux de bravoure et les nouveaux thèmes épiques, constituant peut-être bien la meilleure bande-originale jamais composée par le grand compositeur.
Porté par le talent conjoint de tous ces artistes, sans oublier celui du casting, proprement exceptionnel (Kate Capshaw, femme du réalisateur, et le prodigieux Jonathan Te Quan, apportent une touche de légèreté bienvenue dans cette ambiance glauque), Indiana Jones et le temple maudit constitue donc un sommet incontestable du divertissement hollywoodien, allant jusqu’à concrétiser le rapprochement entre cinéma et parc d’attractions dans la cultissime séquence des montagnes russes dans la mine.
Enchaînant les scènes cultes à un rythme à la limite du concevable, ce deuxième épisode d’une des plus grandes sagas de tous les temps se révèle donc un manifeste cinématographique particulièrement génial dont on n’aura jamais fini d’épuiser la richesse. Une richesse qui fit rêver des millions de spectateurs et continuera à en éblouir des milliards…