« Prepare to meet Kali... in Hell ! » INDIANA JONES

George Lucas et Steven Spielberg se retrouvent en 1982 pour écrire la suite des aventures de Indiana Jones comme ils s’étaient promis. George Lucas veut une suite plus sombre et il convainc Steven Spielberg malgré sa réticence. Pensant initialement placer au centre de son scénario un château écossais hanté, George Lucas abandonne l’idée qui ne séduit pas son réalisateur. Ils imaginent alors une histoire de temple occulte en Inde au sein duquel sont pratiqués la magie noire et le sacrifice humain.

Scénariste du premier opus, Lawrence Kasdan, ne souhaite pas écrire le script, jugeant l’histoire trop sombre. Il couche néanmoins sur le papier quelques idées pouvant servir pour une suite, et notamment le fait que celle-ci constitue un prequel. George Lucas recrute alors mari et femme Willard Huyck et Gloria Katz, avec qui il a déjà travaillé sur American Graffiti en 1973. Les scénaristes rejoignent George Lucas et Steven Spielberg afin d’échanger sur les éléments qui constitueront le scénario du long-métrage. Suite à cette session d’écriture, ils veulent que Indi affronte des Thugs, une confrérie d’assassins adeptes de Kali, Déesse de la destruction, du temps et de la transformation dans l’hindouisme.

George Lucas rassemble ce bouillonnement d’idées dans un scénario s’intitulant Indiana Jones and the Temple of Death qui reprend la légende des pierres de Sankara. Ces idées étant clairement établies, Willard Huyck et Gloria Katz se penchent sur l’écriture d’un scénario plus complet. Il est ainsi décidé de tourner au Sri Lanka (pour éviter les problèmes avec les autorités Indiennes), où la plupart des paysages souhaités sont présents. Le scénario sera précisé pendant le tournage et prendra le nom définitif de Indiana Jones and the Temple of Doom.

Le film sort en 1984 et c’est un nouveau triomphe même si les spectateurs lui reprochent un côté trop violent et trop dur (les enfants fouettés, le cœur arraché du corps vivant, des soldats dévorés par des crocodiles, etc…). Même le réalisateur Steven Spielberg n’est pas loin de vomir sa propre création, jusque sa paternité, puisqu’il n’hésite jamais à rappeler que c’est George Lucas qui fut à l’origine de la chose. Non seulement Steven Spielberg fait mine d’avoir seulement exécuté une commande, mais il s’est montré d’une grande virulence envers le métrage :

Le film est trop sombre, trop souterrain et beaucoup trop effrayant, c’est encore pire que Poltergeist, il n’y a rien de personnel dans Le Temple Maudit.

Pourtant, de l’ouverture musicale, en passant par la tentative de meurtre slapstick, jusqu’au climax, la patte du cinéaste est évidente. Mais pourquoi le réalisateur et le public sont ils si frileux face au film ? La noirceur du film reflète sans doute alors l’état d’esprit du moment de George Lucas, déprimé par son divorce. Il y a fort à parier que Lucas a d’ailleurs injecté dans le scénario une misogynie absente du premier film avec la relation entre Indi et Willie. Le producteur s’en rend d’ailleurs compte a posteriori, mais ne le regrette aucunement, affirmant son souhait de faire un long-métrage différent du premier opus.

Steven Spielberg et George Lucas n’ont pas peur de précipiter leur récit vers un emballement de folie. À tel point que, chose très rare, ils décideront de retourner des plans pour atténuer un peu le rythme du métrage, beaucoup trop soutenu et intense. La narration et l’action ne ralentissent absolument jamais, et poussent chaque élément vers son point de rupture. On mélange culture indienne approximative, vaudou, grand huit, sacrifices maya et scènes d’action délirantes.

Steven Spielberg parvient tout de même comme dans le premier film à prolonger l’action avec l’humour avec un certain nombre de trouvailles visuelles astucieuses. La scène introductive située au sein du Club Obi-Wan (référence à Star Wars) en est le parfait exemple. L’utilisation des tables tournantes sert ainsi tant le suspense que l’humour, non sans ironie. Il en va de même lorsque le réalisateur filme le parcours chaotique de l’antidote au poison, ceci rappelant la façon dont est filmé le médaillon de Marion dans Raiders of the Lost Ark. L’utilisation d’une pièce dont les murs se referment sur ses occupants avec des pointes tranchantes est également menée de main de maître en revenant cette fois sur le Star Wars, Episode IV - A New Hope de George Lucas.

Mais la séquence du film marquant sans doute le plus l’imaginaire collectif est la course-poursuite en wagonnets de mine se déroulant au sein du temple. Rondement menée et jouissive, cette poursuite est longue mais jamais redondante, pleine de rebondissements parfaitement lisibles, le spectateur sachant en permanence exactement où en sont les héros par rapport à leurs adversaires et à quel point la menace est proche d’eux ou non. Tournée à l’aide d’une véritable montagne russe construite au sein du studio, cette scène illustre la maestria dont fait preuve le réalisateur pour combiner le rire et l’action avec une efficacité dont il connaît seul le secret.

Harrison Ford incarne si bien son personnage qu’il est Indiana Jones pour chaque spectateur. Son charisme naturel transpire du personnage dans chaque scène, qu'il soit en pleine confiance et arrogant ou menacé et effrayé. Le changement brusque est d’ailleurs immédiatement visible lorsque le héros est possédé, l’acteur interprétant alors un tout autre personnage. Hormis cet épisode cauchemardesque, les spectateurs découvrent un Dr. Jones mondain qui retrouve néanmoins rapidement cet instinct de survie qui le caractérise. Il sera adulé par la toute jeune Kate Capshaw qui n’aura pas du tout le même rôle que Karen Allen dans l’épisode précédent. D’ailleurs l’actrice deviendra la femme de Steven Spielberg grâce à leur rencontre sur ce tournage, et Spielberg déclara :

Je regarde en arrière et je me dis que la meilleure chose que j’aie pu tirer de ce film est que j’y ai rencontré Kate Capshaw. C’est selon moi la raison pour laquelle j’étais destiné à faire Indiana Jones et le Temple Maudit.

Si Kate Capshaw n’a pas grand chose à faire, à part hurler, ce n’est pas le cas de Harrison Ford qui va être employer à de nombreuses reprises pour ses cascades. Durant le tournage, il se fera même une hernie discale en jouant une scène de combat. Outre Capshaw, Ford partage également et pour la première fois son aventure avec un jeune acolyte, un enfant nommé Demi-Lune ou Short-Round en version original. Interprète par Ke Huy Quan dont c’est le premier rôle, Demi-Lune est assurément l’un des personnages les plus marquants et l’une des principales réussites du film. Le personnage permet aux jeunes spectateurs de s’identifier et de l’envier de participer à des aventures aussi trépidantes. Ke Huy Quan lui donne un caractère particulièrement attachant donnant le change avec ses deux comparses adultes. Sa relation avec Indi est tantôt très drôle, tantôt émouvante. Les deux ont alors développé une relation quasi filiale, avec une belle dose d’espièglerie à l’image de leur partie de jeu émaillée de triche. L’attachement du petit garçon pour l’archéologue est en tout cas immense et il fait preuve d’un immense courage pour sauver son ami possédé par Kali, dans une scène aussi violente que touchante. Qu’il s’agisse d’une forte amitié sincère ou d’un amour filial, le plan voyant les deux personnages s’échanger leurs chapeaux perdus est très fort et traduit un lien profond.

Le film marque les esprits, autant par ses personnages que par sa noirceur comme dit plus haut. D’ailleurs même les membres de la Motion Picture Association of America (MPAA) sont surpris par la violence et par la représentation crue d’organes ou d’enfants réduits en esclavage. Ils classent le long-métrage en PG (accompagnement parental suggéré), n’étant de toute évidence pas suffisamment choquant pour être classé R (interdit aux jeunes de moins de 17 ans). Ce classement semble insuffisant au regard du choc que peuvent ressentir les plus jeunes au visionnage de cette suite. Steven Spielberg lui-même suggère alors de créer une classification PG-13 signifiant que le contenu est inapproprié pour des enfants âgés de moins de 13 ans.

Cette singularité démarque cependant le long-métrage et trouve toute sa cohérence compte tenu de sa thématique. En montrant immédiatement un sacrifice d’une violence inouïe, Steven Spielberg alerte les spectateurs sur la menace que font peser ces antagonistes qui restent jusqu’alors assez nébuleux. Très vite, le public comprend en effet que les héros ont affaire à des personnes fanatisées particulièrement dangereuses et sans limite. Cette violence n’est ainsi jamais gratuite et toujours au service de l’histoire, et provoque ensuite la jubilation lorsque les enfants sont libérés et les héros échappés, au risque de voir certains jeunes (et moins jeunes) spectateurs se cacher les yeux.

Le résultat des effets spéciaux sont probablement les meilleurs parmi la trilogie, réalisés à l’ère pré-numérique. L’ensemble des scènes au sein du temple sont particulièrement convaincantes et renforcent l’aspect horrifique. Le point d’orgue est probablement la course-poursuite en wagonnets de mine, qui pose pourtant problème tant elle est ambitieuse et tant il est complexe de combiner des plans avec ceux tournés avec les acteurs. Les spectateurs ne s’y trompent pas et l’académie remet l’Oscar des meilleurs effets visuels à Dennis Muren, Michael J. McAlister, Lorne Peterson et George Gibbs pour leur travail.

La bande originale est quant à elle une nouvelle fois confiée à John Williams. Il avait déjà excellé sur Raiders of the Lost Ark et revient mettre en musique les nouvelles aventures de Indi. Pour le compositeur pourtant aguerri, le long-métrage est un beau défi tellement il y a de coupes rapides dans toutes les scènes, d’action rapide, de dialogues qui se chevauchent, d’effets sonores et de musique. Il a l’impression de travailler sur des montagnes russes (quand je dis que la scène du wagonnet de mine résume entièrement le film).

Indiana Jones and the Temple of Doom tient une place spéciale au sein de la saga. Plutôt que de répéter la formule de Raiders of the Lost Ark, George Lucas et Steven Spielberg se renouvellent en proposant un long-métrage particulièrement sombre où le trio de héros sont malmenées. Véritable montagne russe émotionnelle, particulièrement drôle entre ses scènes violentes et haletante dans ses séquences d’action, cette suite bénéficie de formidables effets spéciaux et de la musique magique de John Williams. Un classique à voir et à revoir le cœur bien accroché, mon épisode favoris de la saga.

StevenBen
9
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le 24 juin 2023

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Steven Benard

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