Infernal Affairs incarne pour moi un point-tournant dans le paysage du polar HK, l'heure n'étant plus aux gun fights énervés à la Tsui Hark ou à la John Woo, mais à la mise en scène sobre, tout en retenue, et à une écriture brillante qui repose essentiellement sur la psychologie profonde de ses protagonistes principaux et aux relations qu'ils entretiennent, tous campés par d'excellents acteurs (le casting est ici une force avec notamment Andy Lau, Tony Leung, Anthony Wong, et Eric Tsang). Bref, le mot d'ordre est réalisme, crédibilité, et implication (de la part du spectateur).
L'intelligence du traitement, c'est que l'infiltration ne repose pas sur le fait de deviner qui est la taupe de chacun des deux camps (la police ou la mafia chinoise) puisque leur identité est déjà connue, mais plutôt de savoir quelles en sont les conséquences sur un plan humain et existentiel. Pas d'intrigue alambiquée, les enjeux étant posés dès le départ, et le tout est rendu dynamique et captivant grâce à un montage efficace, une forte identité visuelle urbaine, et à une tension bien rendue, surtout lorsque les deux taupes sont sur le point de découvrir qui est qui. En effet, on finit par s'attacher à eux pour des raisons différentes, le gangster commençant à construire une vie comme il la souhaite, le policier subissant l'enfer permanent du milieu criminel en vivant sur la brèche et souhaiterait en sortir. Un fond travaillé qui n'empêche pas des séquences d'infiltration réussies, comme celles qui tournent autour de la manière de communiquer pour éviter de se faire griller, aussi nerveuses qu'un échange de coups de feu. Bref, du film noir revisité à la sauce HK avec des dialogues riches en allusion sur la double identité qui soulignent l'absence de manichéisme du script. En dehors du duo principal, les deux chefs sont aussi intéressants à suivre par la double relation triangulaire qu'ils forment avec les infiltrés (j'ai une préférence pour le Parrain Sam, plus mis en avant et ayant un enjeu plus fort), à la fois paternelle et professionnelle.
Quant aux séquences d'action, elles sont peu nombreuses et filmées sans esbroufe, l'intérêt étant qu'aucune ne soit gratuite. Sèches, parfois hors-champ, et en phase avec le ton sérieux de l'ensemble, l'impact qu'elles réservent aux personnages n'en est que plus puissant, chargées même d'une forte dimension tragique durant les moments-clé, avec un bodycount peu fourni mais marquant (je pense bien sûr aux scènes du toit et de l'ascenseur).
En conclusion, un polar urbain HK tendu, existentiel, et non manichéen. Clairement un must see du genre.