Il aura finalement dut attendre le triomphe incontesté de Breaking Bad pour que l'inestimable Bryan Cranston soit enfin considéré à sa juste valeur; soit l'un des meilleurs comédiens ayant foulé le petit écran, tout autant que l'un des talents ricains les plus précieux de ses vingts dernières années.
Bien sur, c'est avant tout et surtout le fan inconditionnel des géniales séries Malcolm et Breaking Bad qui parle, mais tout de même, le sympathique bonhomme est un gros bosseur, que ce soit dans de grosses séries B (Godzilla, Total Recall) ou des divertissements plus intimes (Argo, Detachment, La Défense Lincoln, Drive ou encore Cold Comes The Night).
Mais si la télévision US a su le célébrer de la plus belle d'un des manières, le cinéma lui, ne s'est pas encore échiné à lui offrir LE rôle qui mettrait tout le monde d'accord - aussi bien les critiques que les spectateurs.
Jusqu'à Dalton Trumbo donc, biopic officiel du scénariste communiste du même nom, aux déboires au moins aussi célèbre que sa personne; joli rappel d'histoire sérieux et appliqué, porté par des dialogues ciselés et une interprétation proche de la perfection d'un Cranston littéralement au sommet de son art.
Quelques mois plus tard - et une nommination aux Oscars à la clé -, le déclic semble enfin trouvé puisque le voilà déjà de retour avec un nouveau rôle imposant (et un nouveau biopic) dans nos salles obscures : Infiltrator signé par l'excellent Brad Furman (La Défense Lincoln), ou la mise en image d'une histoire vraie, celle de l’agent de la DEA Robert Mazur qui fit face, dans les 80's, au puissant Pablo Escobar.
Inspiré du roman autobiogaphique « The Infiltrator. My Secret Life Inside the Dirty Banks Behind Pablo Escobar’s Medellin Cartel » et porté par un casting indécent de talent (Cranston mais également John Leguizamo, Diane Kruger, Amy Ryan ou encore Benhjamin Bratt), conte comment Mazur a utilisé la fausse identité de Bob Musella, un homme d'affaires italien véreux, pour devenir un membre crucial dans le blanchiment d’argent des cartels de la drogue.
Son but : tomber 85 barons et une banque internationale.
Mais plus son infiltration dans l'organisation d'Escobar s'intensifie, plus il mettra en péril sa couverture au sein d'un cartel mythique bourré jusqu'à la gueule de tueurs implacables, n'hésitant pas à liquider tout danger potentiel à la moindre suspicion de trahison...
Pur thriller tendu et fascinant sur une figure peu connue de la lutte contre l'organisation de Pablo Escobar (Mazur fut un membre influent de l'Opération C-Chase, à l'origine du plus gros démantèlement de l'histoire des États-Unis), The Infiltrator (titre en v.o) décrypte avec intelligence et crédibilité le piège complexe fomenté par les services secrets US pour faire tomber les cartels (ils s'attaqueront au nerf majeur de cette guerre, l'argent et non la drogue), tout en s'attachant via un versant plus dramatique, sur les répercussions d'une existence " d'infiltré " et d'agent double; l'impossibilité de construire une vie de famille aussi saine que stable et la peur constante du faux pas - qui serait indiscutablement fatal.
Référencé (on pense autant à Donnie Brasco qu'à Blow), classique dans sa facture mais solide scénaristiquement, le film de Brad Furman (tellement obsédé par Escobar qu'il développe actuellement un projet ciné sur le bonhomme) évite soigneusement les clichés et tient tout du long son spectateur en haleine grâce à une impressionante maitrise du suspens et de l'émotion; mais surtout grâce à son penchant fort malin de focaliser toute son intention sur ses personnages, formidablement croqués.
Si John Leguizamo et Benjamin Bratt, excellents, trouvent ici leurs meilleurs rôles depuis longtemps, c'est bien évidemment Bryan Cranston qui domine les débats avec une brillante interprétation d'un rôle définitivement taillé sur mesure.
Totalement impliqué - tout comme Diane Kruger, convaincante -, l'acteur semble même (parfois) ressuscité le personnage de Walter White, dans les attitudes sereines d'un homme menant lui aussi une double vie, deux versants - le bien et le mal - d'une même âme aussi captivante que son incroyable épopée contre le crime.
Il est la raison numéro un de découvrir Infiltrator, puissante et captivante aventure sur la guerre contre le trafic de cocaïnes made in Colombie dirigé par Pablo Escobar, qui incarne sans l'ombre d'un doute, l'un des meilleurs films de cette riche rentrée ciné 2016...
Jonathan Chevrier
http://fuckingcinephiles.blogspot.fr/2016/09/critique-inflitrator.html