Paul Thomas Anderson adapte Thomas Pynchon. Lire Thomas Pynchon, c’est déjà une expérience. On comprend pas tout, mais on prend plaisir à se plonger dans sa prose décalée et ses ambiances floues. Anderson réussit son adaptation en ce sens qu’on comprend pas tout non plus et qu’on prend un certain plaisir à plonger dans son film aux ambiances floues.
Inherent Vice se situe dans la lignée du Grand Sommeil de Raymond Chandler et donc du film de Howard Hawks (en beaucoup moins bien, forcément) et, surtout, de son adaptation des années 70 signée Michael Winner (en beaucoup mieux), puisque l’action se passe à Los Angeles en 1970, et donc dans la lignée du Big Lebowski des frères Coen (mais en beaucoup moins drôle et beaucoup moins décalé) ; dans la lignée du Privé de Robert Altman aussi (et là aussi, en moins bien). Bref, il faut aimer ce genre d’ambiances polar dans des milieux où tout le monde est, à des degrés divers, pourri. Anderson restitue plutôt bien le côté "Nouvel Hollywood" et cinéma des années 70 de la chose (que ce soit le grain de l’image, une certaine manière de filmer, les décors, costumes et looks des personnages, les ambiances, parfois...). Comme Pynchon, il enterre le rêve hippie qui a tourné au cauchemar (drogues et libération sexuelle en tête), il dézingue la société américaine (et surtout californienne, ici) gangrénée par l’argent, la corruption, les "vices cachés"...
La bande originale est signée Jonny Greenwood et je ne m'étais pas aperçu avant le générique de fin qu'il y avait une musique de film originale ! C'est dire à quel point elle se fond dans l'image et l'action, ce qui participe sûrement à la bonne tenue de l'ambiance générale, et c'est plutôt une qualité.
En revanche, j'avais remarqué l'excellent usage des morceaux d'époque, jamais utilisés de manière trop ostentatoire, juste bien utilisés, parmi lesquels j'ai reconnu ceux de Can (excellent passage après le début du film), Neil Young ou Sam Cooke, par exemple.
Les acteurs assurent un max (Joachin Phoenix en tête, mais aussi Josh Brolin, Owen Wilson, Benicio Del Toro, Martin Short, Martin Donovan... ou les toujours charmantes Reese Witherspoon et Katherine Waterston, entre autres...) et, malgré les 2h30 de film, je me suis pas fait chier une minute, ce qui est plutôt rare. Bref, pas un chef-d’œuvre ni un grand film, mais, pour qui aime le genre, c’est plutôt de la belle ouvrage.