J'ai donc vu Inland Empire hier, et je n'ai immédiatement pas pu en parler. Signe que quelque chose s'est passé.
Le jour d'après, c'est difficile de dire quelque chose de construit à propos du film. Alors voilà, comme ça, je dirai que Inland Empire est un intense et monstrueux chef-d’œuvre. A ce jour, je ne sais pas si il est un peu au-dessus ou un peu en-dessous de Mulholland Drive, et il va me falloir du temps pour en être sûr. Et d'autres visions du film. Je vais d'ailleurs le revoir dès que je peux.


Inland Empire, c'est donc plein de choses énormes à la fois.


C'est, de tous les films que j'ai pu voir dans ma courte vie,


Le plus grand film d'horreur de l'histoire du cinéma – parce que ça raconte ce que tous les films d'horreur devraient raconter : l'histoire d'un personnage qui parvient à vaincre sa peur ;


Le plus grand film expérimental qui ait jamais été fait – parce qu'il parvient à se servir de la DV pour explorer des pistes inconnues jusqu'à lui ;


La film qui contient la plus belle performance d'actrice possible – Laura Dern y est absolument monstrueuse ;


Le film qui, de tous les films de toutes les époques, a le mieux utilisé le contre-champs : il y a toujours, en face du visage de Laura Dern, une surprise qui nous attend, un autre monde possible qui se juxtapose aux autres.


Le film qui résume le mieux ce qu'est le cinéma : « voir », et ne rien faire d'autres que voir, voir dans l'obscurité la plus totale et se raccrocher à ça ;


Le film qui a réussi le mieux à rendre compte sur un écran de cinéma ce qu'est un rêve – la folie, l'impureté et la narration particulière, sensée jusque dans l'insensé, que seul les rêves peuvent atteindre ;


L'une des plus belle fin de toute l'histoire d'une cinéma – parce qu'elle scelle l'histoire et la filmographie de Lynch d'une manière si légère qu'elle en devient bouleversante, et que c'est un happy-end ! ;


Le plus beau générique vu jusqu'alors – où on filme jusqu'au bout, épuisant tout l'espoir qu'un générique peut donner : ce défilement de noms comme transition qui mène à nouveau vers la vie ;


Le film le plus humain de Lynch, parce qu'aucun autre de ses films n'avait réussi à capter le plus la peur, la détresse folle, les rêves et les solitudes d'une femme, dans un tourbillon qui emporte tout sur son passage ;


Le film le plus émouvant de son auteur – parce qu'il se débarrasse de tout glamour ou d'esprit de sérieux, s'engage à une radicalité qui est d'une honnêteté à tomber par terre et qui prend aux tripes et aux sens, et parce qu'à la fin, quelque chose se passe, "something is happening" comme le dit le sublime Polish Poem, le personnage est changé, les démons sont tués, la peur est vaincue, il y a quelque chose qui est de l'ordre du cinéma qui a permis le retour du bonheur ;


et surtout,
et par dessus tout,


C'est l'un des plus grands films de l'histoire du cinéma !


Comment peut-on atteindre ce qu'à presque chaque film Lynch a réussi à atteindre ?
Chacun de ses films est un choc, un nouveau monde ouvert qui nous parle au plus profond de nous-même.


Plus Lynch s'engouffre, plus il est radical, plus il est libre – et donc seul - ; plus il est humain, plus le cinéma vibre encore de son génie.


Inland Empire est arrivé après Mulholland Drive, ce fut son son drame. Personne, je crois, ne l'a compris. Pourtant, c'est le même film. Sauf que Inland Empire est son envers le plus bouleversant : toute la mesure de Mulholland Drive, Inland Empire la transfigure et la surpasse.
Chaque plan est une merveille, l'histoire est magnifique, la narration est totalement folle, les dix dernières minutes sont merveilleuses.


Et surtout, c'est un film où rien n'est grave et où éclate une lumière tout au bout des ténèbres.


A la fin, on entend le plus beau morceau de toute la terre et tout le monde danse.

B-Lyndon
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le 18 mai 2015

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B-Lyndon

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