Empire likes back
Aborder l’Empire intérieur exige du spectateur de nombreuses qualités, et poussées à un extrême auquel il n’est pas coutumier : patience, endurance, lâcher prise, tolérance, voire indulgence seront...
le 11 juin 2017
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Il serait une fois, dans un avenir proche, une famille, d'origine inconnue, dont le fils qu'on appellera Keith n'arrêterait pas de quémander son cadeau pour Noël. Il ne voudrait qu'une chose, une seule, il en mourrait s'il ne pouvait l'obtenir, le coffret intégral UHD de la saga Fast and Furious.
Noël approchant à grands pas, le jeune Keith redoublerait d'efforts pour sa demande, à en faire fondre en larme sa pauvre mère, son père laisserait passer comme toujours avec un simple "han han...".
Le jour tant attendu par l'enfant arriverait, il se précipiterait vers le sapin, quitte à en tomber par terre et à s’en écorcher le genou mais il y serait, enfin ! Il ouvrirait le paquet, les yeux brillants, jusqu'à ce terrible moment où il verrait inscrit sur le coffret non pas Fast and Furious mais un nom, un nom forcément inconnu pour lui, celui de David Lynch. Son père lui offrirait donc un coffret intégral de l'oeuvre du grand Lynch.
Des années passeraient, l'enfant n’aurait jamais pardonné son père, qui serait mort dans un tragique accident de voiture, pourquoi pas volante ? Le jeune moins jeune forcément n’aurait jamais posé les yeux sur un seul des films de ce coffret tant la rancune l'aurait dévoré. Puis un jour viendrait où dans un vide grenier, pourquoi pas, il tomberait sur un lecteur DVD, étant donné qu'à l'époque du cadeau le coffret n'existait que dans ce format. Le moins jeune Keith rentrerait chez lui accompagné de ce lecteur pour pas cher, sortirait du placard le coffret poussiéreux mais pourtant gardé, enfournerait un des films, pourquoi pas Inland Empire dans le lecteur et en avant Inlan...
Trois heures passées, Keith irait sur la tombe de son père en s'excusant, en pleurant, comprenant que son père voulait lui inculquer des valeurs cinématographiques... ou bien il pisserait tout simplement sur la tombe tellement son cerveau serait encore plus pété qu'avant.
J'ai relu mon ancienne et première critique sur ce film avant de la modifier et ça m'a rappelé que lors de ce premier visionnage j'avais traîné pour le découvrir, trois heures de Lynch ça ne m'emballait pas des poires. Puis j'ai fini par le voir au bout d'un certain temps, et je n'avais bien sur rien chatté du bazar. Il est donc marrant de voir que cette après-midi j'ai durement hésité entre deux films encore jamais vus et le revisionnage de cet Inland Empire, Lynch a été plus fort.
Après m'être retapé Mulholland Drive et Eraserhead, me voici à réattaquer ce qui est sans doute l'œuvre la plus aboutie du monsieur, la plus complexe également ? Possible. Après avoir compris que son précédent film, MD était au final faussement complexe malgré son excellence, je m'étais dit que celui-ci pourrait suivre le même chemin.
S'il s'avère moins bordélique que lors de mon premier visionnage, sans doute ai-je été plus attentif malgré les déroutantes heures, j'ai décelé une partie du puzzle, du moins j'imagine. Hormis le fait qu'on ne sache pas si nous sommes face au film dans le film dans le film, qu'on ne sache pas si on suit l'actrice ou le personnage, on comprend bien qu'un déclic à fait en sorte que l'actrice se perdre dans son travail, qu'elle s'investisse tant dans le projet qu'elle finisse par mélanger souvenirs, rêves, cauchemars, personnalités. Jeune polonaise prostitué, qui arrive en Amérique, se trouve un mari et tombe enceinte, son mari la quitte pour rejoindre une troupe de cirque et elle deviendrait actrice ? Serait-ce cela ou une fois encore l'actrice et le personne sont mélangés ?
Compliqué de tout raccorder et la beauté de l'œuvre en est que plus lumineuse, j'ai été un peu déçu de découvrir que Mulholland est finalement pas si pété, qu'il est sensé et compréhensible, du moins la première couche de lecture, peut être que plusieurs si cachent. Inland reste donc un pâté mystérieux où Lynch se regarde sans doute dans un miroir également, cette fin où la consécration est là, sur scène, la lumière au visage, cela voudrait-il dire que Lynch est passé d'un lapin à une grande blonde ?
Quoiqu'il en soit, malgré les nombreuses questions, cette œuvre est grande, peut-être la dernière du cinéaste qui n'a pas refait de long métrage, fictif en tout cas, depuis, cela remonte déjà à 11 ans.
S'il s'agit vraiment de la dernière c'est beau, c'est un beau final, mais évidemment en tant que cinéphile je souhaite vivement qu'il revienne. Commencer avec un film tout petit et restreint en noir et blanc pour finir sur un pétage de neurones de trois heures avec des couleurs vives, c'est un beau parcours.
Visuellement Inland Empire m'avait dérouté la première fois, la caméra DV étant très spéciale à regarder, ces gros plans sur les visages, ce côté amateur déjà un peu présent dans Mulholland, est vraiment troublant. Mais le choix artistique est finalement à saluer puisque ce genre de visuel ultra réaliste, limite subjectif permet d'être encore plus hypnotisé par la folie de l'histoire.
Le montage est quant à lui toujours très important et il est ici comme souvent chez le père Lynch bluffant, tout comme les effets sonores captivants. La bande son qui utilise quelques morceaux connus est intéressante et bien utilisée.
Pour ce qui est du casting, Lynch fait sombrer dans la démence une de ses actrices fétiches, Laura Dern, qui se donne à 1000% pour lui, épatante. Justin Theroux est toujours aussi fun à voir, que de talent. Jeremy Irons, dans le rôle d'un réalisateur nommé Kingsley Stewart, le cliché parfait, est top. Un furtif et plaisant William H. Macy. Les amis du réal sont là également, que ça soit Harry Dean Stanton, Grace Zabriskie ou encore Laura Elena Harring présente lors de la scène du générique de fin, et également par le prisme de la websérie Rabbits, inclus avec beaucoup d’intelligence dans le métrage, à se demander si ça n'avait pas été tourné pour le film. Dans lequel on peut entendre les voix de Harring donc, ainsi que celles de Scott Coffey et Naomi Watts.
En bref, Lynch signe ici une plongée étouffante, pénible, délirante, hypnotisante, assommante, fascinante, jouissive dans un système hollywoodien et surtout dans la vie d'une femme pleine de secrets.
L'idée d'Inland Empire en guise titre, en plus d'être un des lieux de tournage vient à l'origine de Laura Dern, dont le mari en était originaire, ça a tellement plu à Lynch qu'il s'en est servi.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Films vus et revus en 2015, Les meilleurs films de David Lynch, L'année 2017 du même cinéphile que l'année dernière mais en encore plus resplendissant, qui ne perd plus son temps avec des banalités comme le travail et qui se concentre pleinement sur le ciné... et Les films les plus obscurs
Créée
le 29 mai 2017
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