Neuf ans après son chef d’œuvre, Mamoru Oshii remet le couvert pour une suite qui mise davantage sur un approfondissement du premier opus que tout autre chose. Côté animation, inutile de s’attarder puisque c’est le même topo que le premier, en mieux. Autrement dit, une Rolls Royce de l’animation en remplace une autre pour le plus grand plaisir de nos yeux ébahis par une telle audace esthétique. Côté récit, Kusanagi n’étant plus (ou presque), c’est Batou qui devient le héros d’une intrigue policière qu’on devine rapidement comme un prétexte pour pousser encore plus loin les réflexions déjà suscitées par Ghost in the Shell premier du nom. Un point fort qui vire par moments au point faible tant le film devient bavard à nous exposer différents points de vue en une centaine de minutes là où un livre ne suffirait pas. Ce détail mis à part, qui plus est surtout regrettable pour les spectateurs ne comprenant couic à l’histoire, le film de Mamoru Oshii est en tous points passionnant. Sorte de Spleen et Idéal baudelairien à la cybersauce nippone, Innocence offre une vision particulièrement pessimiste de l’évolution et de ses limites. Un spleen urbain noyé par les réflexions philosophiques qui nous parle de déshumanisation sans jamais prendre de gants. Arrivée en bout de piste, l’humanité ne peut plus espérer décoller davantage du terreau originel. Au lieu de ça, elle a opté pour le robot puis logiquement le cyborg qui font alors office de tremplin. Mais de tremplin pour où ? Et pour quoi ? Autant de questions existentielles qui assaillent un héros lui-même incapable de cerner le moindre souvenir de son humanité à jamais oubliée, vestige illusoire niché dans un nouveau corps non seulement indestructible mais réparable à l’infini. Une perfection « maudite » qu’on retrouve d’ailleurs à l’écran. Bref, un film impressionnant de maîtrise et terrain propice à de vastes débats animés sur ce que devra être ou ne pas être l’évolution technologique.