Révolution(s) - critique à quatre mains.
(Eggdoll (je fais dactylo aussi) speaking) Comment en suis-je arrivée à ce film ? J'en avais entendu parler via une connaissance, et je suis tombée dessus dans un OCD, c'était pas cher... J'me suis dit, allez, zou !
Concept de la critique : critique à quatre mains entre OVBC et Eggdoll, parce qu'on est trop des fous et trop des lovers hihihihi. (Oui, c'est toujours Eggdoll qui écrit, je ne suis pas assez sérieuse pour que ce soit OVBC.)
"T'as pas vu ma critique de Camping", me dit-il. Mais si, mais si, n'empêche que c'est moi la plus lolesque. Na.
Bon, sinon, revenons-en à nos nudités. Les seins d'Eva Green, tout ça.
Ou le film ?
Dixit OVBC, Eva Green qui se fait lécher en Vénus de Milo, c'est torride. (Il a tenté une petite blague avec "Milou", j'ai invalidé.)
(Du coup la première révolution c'est le concept sans queue ni tête de cette critique. On s'amuse, et puis on boit du martini, c'est cool.)
Bref. Donc. (Ou le type qui n'a rien à dire, dit OVBC.)
OVBC : Ce film a un grand rapport avec les thématiques qui intéressent Eggdoll, comme Dolan (quoi, le cul ?), à savoir les amours imaginaires (ouais, le cul avorté quoi). C'est encore un Bertolucci, je me suis dit au début du film, et ils vont coucher ensemble, ambiance intimiste, souvent dans un appartement parisien d'ailleurs... Mais la question de l'irruption du Grec (voir La Vénus à la fourrure pour la référence, note d'Eggdoll), d'un tiers qui sert d'élément déclencheur à l'action, sous l'angle de la notion de révolution, est particulièrement prégnante dans cette oeuvre. C'est-à-dire qu'au fur et à mesure du film, et c'est la seule et unique chose que j'ai à en dire, s'articulent plusieurs phénomènes révolutionnaires. Une révolution extérieure, au travers des événements de mai 68, animés par les courants étudiants, maoïstes : cette révolution est avant tout culturelle, elle était destinée à débrider les carcans éducatifs - il faut se souvenir à ce propos que l'un des premiers facteurs à l'origine de ces manifestations a été le scandale d'un étudiant qui s'est rendu dans la chambre de sa copine sur un campus de fac. Contexte donc d'une révolution sexuelle ; il y a bien des manifestations ouvrières mais celles-ci ne sont pas marquées par des revendications traditionnelles. Dans ce contexte, deux jumeaux engoncés dans leurs habitudes vont faire la rencontre de l'étranger, qui va malgré lui bouleverser les codes de cette relation fusionnelle. Par cette cohabitation, le trio tourne à la collision entre les deux jeunes hommes, incarnés par Michael Pitt et Louis Garrel, et la jeune femme, Eva Green, soeur de Garrel. Collision culturelle, politique, et amoureuse. La position de cette femme est un peu particulière : elle sera le réceptacle des problèmes subis dans cette relation avec son frère et dans sa rencontre avec l'étranger, avec qui elle aura un rendez-vous, qu'elle pourrait très bien aimer. Ce n'est pas pour rien [ATTENTION SPOIL] que c'est elle qui décide d'ouvrir le gaz avant de laisser entrer la révolution extérieure dans le confinement bourgeois et conservateur de cet appartement. Pour conclure, nous avons par conséquent une symétrie inverse entre une révolution intérieure et une révolution extérieure, auxquelles s'ajoutent des clins d'oeil (que j'interprète comme révolutionnaires) référencés à l'oeuvre cinématographique de la Nouvelle Vague - nouvelle, parce qu'elle se soulevait contre l'académisme ambiant, cf. la scène autour de la Cinémathèque avec Jean-Pierre Léaud. Ces références sont trop nombreuses pour être toutes recensées, mais on retrouve par exemple une allusion à Freaks à la fin de la course dans le Louvre, film qui mettait en scène pour la première fois de manière dramatique le quotidien de monstres de foire (un chef-d'oeuvre, note d'Eggdoll)... Et ces références sont toutes imprégnées de l'histoire du cinéma, et de l'ambition de renverser les diktats ambiants, ainsi le débat entre les deux jeunes hommes concernant la supériorité de Keaton ou de Chaplin.
Donc, trois révolutions... et aussi trois échecs révolutionnaires.
Eggdoll : En quoi les références sont une révolution ?
OVBC : C'est la mémoire historique qu'on agite ! (petit ton vénère, note d'Eggdoll)
Eggdoll (un peu incrédule) : Okay :D.
Sinon moi j'ai trouvé que quand même les seins d'Eva G... OUPS PARDON. Oui. Le film. Oui.
Je trouve intéressant le contraste entre le confinement des trois personnages dans un huis clos plein de sexe, aux confins de l'inceste, où le monde extérieur disparaît, et l'omniprésence du bruit de la révolte à l'extérieur. Nos trois personnages se revendiquent de cette révolte par principe, mais s'engoncent dans la facilité de l'appartement bourgeois parisien, dans la facilité de l'aisance matérielle - c'est hyper bobo. Et hyper jeune. C'est l'incarnation des paradoxes de la jeunesse : sur le papier, c'est bien mignon, mais en réalité il ne se passe rien qu'une quête d'une liberté qui réussit tout juste à s'affirmer dans le cadre de la découverte (limitée, verrouillée) de la sexualité. Finalement, comme vient de me le dire OVBC qui s'évertue à me déconcentrer pendant que j'écris, nos trois héros sont de parfaits crétins, assez méprisables pour cette opposition qui est la leur entre l'apparente rébellion et l'oisiveté réelle.
Finalement, ces personnages sont fascinants dans leur naïveté teintée de condescendance abjecte envers le reste du monde - comme s'ils contribuaient à oeuvrer pour leurs idées ! Et la nudité, le vague malaise de l'inceste sous-jacent, semblent être au service de la fascination décadente (désespérance sociale, "no future", ajoute OVBC, pour des êtres incapables de sortir de leur langueur) de ces jeunes déjà désabusés, comme le montre la torpeur d'Eva Green à la fin du film. (OVBC se moque de moi parce que je cherche des synonymes de "désespoir" sur synonymes.com. Moi je trouve que ça en jette.) La nudité et le sexe ne sont pas gratuits, ils constituent l'apogée de l'absence d'idées - le corps, la chair contre l'esprit. Absence de désirs sociaux, ajoute OVBC, ou aboulie - absence de volonté. Aboulie boulimique. (OVBC se marre de son jeu de mots conceptuel. Et de plus belle en me lisant commenter son jeu de mots.) ("Ressers-moi du martini", demande-t-il innocemment.) Il ne reste plus que le physique, la transgression facile et proche de l'inceste, pour pallier le manque d'être des protagonistes qui ne savent pas comment se sentir exister.
Ils sont à la fois pathétiques, beaux, et tellement humains. Qu'est-ce qu'on s'en fiche, finalement, de la dimension malsaine de l'inceste en soi ! Cet inceste est plus qu'un simple inceste : c'est un symptôme de mal-être profond et vide, absolu, sans fin en lui-même ou hors de lui-même.
OVBC : Ce que j'aime aussi, c'est l'attitude des parents qui sont déjà absents, libéraux (leur seule fonction parentale étant de payer pour subvenir aux besoins et surtout aux fantaisies de leurs gosses). Le père, particulièrement, qui est un poète reconnu versé dans le mysticisme candide.
Eggdoll : Ils sont assez transparents, comme les parents lisses et superficiels qu'on imagine.
OVBC : Eggdoll, tu mets davantage l'accent sur la bêtise. (J'avoue tout, note d'Eggdoll.) On a du mal à mettre en lien la version "française" du titre du film, "Innocents", avec le film, et ton point de vue accentue cette difficulté.
Eggdoll : Oui, tandis que le titre anglais, "The Dreamers", est plus palpable : ils dorment tout le jour et ne font que rêver leur vie. Le vrai problème, c'est la valeur du rêve - moi, je le trouve un peu facile et puant, mais c'est mon avis hihi. Mais "Innocents", ça semble plus porteur d'une valeur méliorative... Ce que je ne cautionne guère. J'aime beaucoup ce film tout en haïssant Eva Green (peut-être pour ses seins et sa fabuleuse nudité... OUPS.)
Il me semble de bonne augure de conclure sur les seins d'Eva Green.
Nous espérons que ce nouveau concept de critique vous aura amusés !