La décadanse
La présence de Louis Garrel au casting n'est pas étrangère à ma subite envie de voir ce film, soyons honnêtes. Le message liminaire d'Arte - "Ce film présente des scènes à caractère érotique" - a...
le 26 août 2016
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La présence de Louis Garrel au casting n'est pas étrangère à ma subite envie de voir ce film, soyons honnêtes. Le message liminaire d'Arte - "Ce film présente des scènes à caractère érotique" - a également renforcé ma motivation à tenir jusqu'à 1h du matin. Bien m'en a pris !
Quel superbe film...
Alors, il faut dépasser le premier tiers, dont certaines scènes à la radicalité malsaine m'ont fondamentalement mise mal à l'aise. On comprend mieux par la suite ce qui se joue dans ce couple de jumeaux mais au départ, cette relation incestueuse me donnait beaucoup envie de détourner le regard. Et pourtant, il se dégage des scènes quelque chose d'hypnotique, de décadent et sulfureux qui ne peut guère laisser indifférent.
Parlons de la plastique d'Eva Green. Je pense que je n'ai jamais vu de plus beau corps que celui-ci : c'est simple, dans certains plans, on dirait une statue gréco-romaine. Cette caméra qui la saisit à demi-nue jusqu'à la taille, dans l'encadrement d'une porte, m'a époustouflée. Même chose pour la scène, où elle déboutonne nonchalamment son chemisier sur La Mer de Charles Trenet. Nous sommes vraiment là dans une quête de l'esthétique idéale avec en supplément, l'écho aux films aimés (La Reine Christine, A bout de souffle...) dont on souhaite reproduire et renouveler la grâce. Le couple qu'elle forme avec Michael Pitt (qui ressemble tant à Leonardo ici...) crève l'écran de sa fraîcheur juvénile, de la proportion parfaite de ses traits - la beauté à l'état pur.
Ce threesome surprenant, dérangeant - bien qu'un peu cliché dans la peinture de ses personnalités - m'a semblé extrêmement artistique, excitant, sensuel, sexuel et diablement romanesque. Certains plans sont très picturaux - j'en veux pour preuve celui de ces trois corps joliment enchevêtrés dans le salon, façon Radeau de la méduse, et la mise en lumière est invariablement soignée de bout en bout.
Le scénario est intelligent, il interroge le jeu (le cinéma), la naissance du désir, le regard de l'autre, la dépendance physique et émotionnelle, la difficulté de grandir et la nécessité de se résoudre à certains deuils.... Théo et Isabelle sont deux enfants de 3 ans dans le corps d'adultes de 20. Ils laissent l'appartement parental à l'abandon, construisent des tipis dans le salon avec moult coussins, sont incapables de se faire à manger seuls - ce sont des enfants qu'effraient la maturité et le monde extérieur, ses remous, sa violence, ses censures et ses interdits.
On serait tentés d'appeler la morale en renfort ici, mais finalement elle n'a pas vraiment de sens ni de place puisque le duo incestueux se livre en fin de compte à d'innocents jeux, comme seuls peuvent en avoir les tout-petits. Ils n'ont pas intégré les codes de l'âge adulte et ses incontournables tabous, se jetant à corps perdu dans un âge d'or dont ils semblent ne plus pouvoir sortir. Leurs parents, que l'on croisera deux fois, sont évidemment les seuls fautifs de l'histoire, pour n'avoir pas su cadrer moralement leur progéniture, leur fixer des limites, leur enseigner les conventions leur permettant de construire des relations humaines classiques ou normales.
Reste que le film nous réserve des instants à l'érotisme bouillant et salement sexy, comme ce dépucelage sur carrelage, qui s'achève sur une bouleversante étreinte amoureuse, que j'ai trouvée très réussie. Même fascination pour la scène du bain à trois, joint aux lèvres, grand cru à portée de main, monde que l'on refait à l'abri de ce dernier justement, débats interminables sur la musique ou le cinéma - un trio qui se met en scène, qui s'installe dans une scénographie fantasmée.
L'investissement de ce trio d'acteurs est total. Je suis restée bouchée bée face à la justesse, la crudité, le réalisme de certaines scènes qui ne peuvent raisonnablement avoir été jouées : Eva Green s'envoie en l'air avec Michael Pitt (on dirait pour de vrai), ils s'embrassent à bouche que veux-tu, on ne nous épargne aucun détail sur leur anatomie respective.. Mais cela reste toujours beau, esthétique, artistique - rarement un corps de femme, surtout, n'aura été mieux filmé dans sa parfaite nudité. (à part par Gaspar Noé, évidemment). Immense trio d'acteurs, qui porte totalement le film du haut de ses 20 ans à peine.
Enfin, parlons de la bande-son, toute en Françoise Hardy, Edith Piaf, The Doors, Polnareff.... Mélange de voix romantiques et de riffs rocailleux, trouvailles hallucinantes entre son et image, comme cette scène stressante dans l'ascenseur, cette caméra qui filme la cage d'escalier qui descend, sur des accords répétitifs et menaçants...
Je suis toutefois restée assez hermétique au discours politique, au versant social du discours de Bertolucci, pour moi totalement secondaire en regard de ce qui se joue entre les murs de l'appartement bourgeois.
The Dreamers est un film punk, artistique, bohême, envoûtant, perturbant, sexuel et émouvant - à ne manquer sous aucun prétexte.
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Créée
le 26 août 2016
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