Après avoir conclu une trilogie Batman ancrée dans le réalisme et les technologies de pointe, Nolan s'offre ici un nouveau défi, la conquête spatiale et les mystères de la cosmologie. Interstellar pourrait s'insérer dans cette fabuleuse Odyssée demarrée en 1968 par Stanley Kubrick, puis poursuivie en 1984 par Peter Hyams, toujours selon l'oeuvre d' Arthur C.Clark, dont il reste encore deux livres non adaptés, 2061: Odyssée 3 et 3001: l'Odyssée Ultime. Mais Nolan ne plagie pas, il puise ouvertement dans l'oeuvre d'origine, magnifiant des plans que Kubrick n'avait pas les moyens de filmer à l'époque.
L'un des dénominateurs communs est cet 'assistant robot' portant l'acronyme TARS et faisant écho à HAL 9000, l'ordinateur fou. Nolan prends cette idée à contre-pied, puisque les machines ici sont infaillibles, seuls les hommes sont en proie à la folie, quand il leur faudra affronter l'immense solitude des voyages spatiaux, les quelques plongées en hyper-sommeil ne leur offrant qu'un cours répit. On se rappelle de cette scène où Dave Bowman conversait avec sa famille dans 2001, loin de la terre, le coeur serré. Nolan mettra en scène cette même détresse, celle d'un astronaute ayant choisi d'abandonner les siens, la poussant au paroxysme. Déjà rodé avec Inception, il est clairement à l'aise avec les enchevêtrements temporels, jouant avec les échelles de temps et la relativité pour créer son suspens. Interstellar est moins contemplatif, moins démonstratif, moins mystérieux que ses deux aînés, mais c'est un film témoin de notre temps et de la perception actuelle du futur. Car si 2001 a émergé pendant le programme Apollo, Interstellar répond davantage aux problèmes écologiques et offre une réponse à l'avenir de l'humanité, la conquête d'un autre monde. Les planètes habitables étant trop lointaines, seul un trou de ver et des vaisseaux intergénerationnels pourraient nous permettre d'y accéder.
Servi par une mélodie quasi religieuse aux sonorités d'orgue électronique en réponse au Zarathoustra de Strauss, Interstellar ne s'orientera pas vers un final métaphysico psychédélique. Il préférera donner son interprétation sur la théorie des cordes et du cube de Tesseract, le vrai, celui des théoriciens, représenté à la manière d'une immense bibliothèque en 5 dimensions où le temps devient espace et où chaque page permet d'accéder à un instant de l'univers. Là où Dave, en apesanteur, accédait à la conscience de HAL, forcé de lui vider sa mémoire pour échapper à son emprise, Cooper, lui, piégé au coeur d'un trou de ver, devra chercher dans les interstices du temps pour trouver son salut.