Du haut de ses 7,8 de moyenne pour 100 000 notes sur Sens Critique, Interstellar de Christopher Nolan s'est imposé comme un des plus grands films de science-fiction/voyage dans l'espace de la décennie précédente. Nolan avait déjà acquis un certain statut grâce aux succès publics et critiques de The Dark Knight et d'Inception, Interstellar l'a propulsé au rang de grand réalisateur, de réalisateur à suivre et qui suscite l'intérêt dès qu'un projet est annoncé, c'est un peu le nouveau Spielberg en ce qui concerne la confiance des studios et des spectateurs... et pour moi au niveau de la qualité des films également. J'aime beaucoup ce que fait Nolan, il essaie de toucher à tout, tout en gardant son amour pour le temps et sa manipulation, il arrive à créer et imaginer des histoires et univers originaux, avec un côté grand spectacle très efficace. Bref, Nolan propose ce qui se fait de mieux en terme de blockbuster. Il est vrai que j'ai eu du mal à pleinement apprécier Interstellar au premier visionnage et même au second visionnage, je ne suis pas un immense fan d'Interstellar, je n'ai pas grand chose à lui reprocher mais ce n'est tout simplement pas le film qui me passionne le plus. Il reste quand même très intéressant sur plusieurs points, que ce soit sur le fond ou sur la forme.
Attention spoilers
J'aime beaucoup le premier acte du métrage, étrangement, c'est la partie qui me plaît le plus dans le film. Le réalisateur nous présente un monde presque post-apocalyptique, on est ici dans une dystopie (moins importante que Mad Max ou Terminator) dans laquelle il ne reste plus qu'1 milliard de personnes, 1 milliard de personnes qui essaient de survivre tant bien que mal alors que la Terre se dégrade et n'a plus beaucoup de ressources. Il est intéressant de noter qu'on n'a aucune idée des origines des tempêtes de poussières, que la seule origine du problème est l'Homme qui a trop utilisé les ressources non-renouvelables de la planète... une situation qui a des chances de se reproduire dans la vraie vie, ça renforce donc le côté réaliste de l'œuvre et la réflexion. Le premier acte c'est bien évidemment l'acte de présentation des personnages. On suit donc Cooper, un ex pilote et ingénieur qui a subi un crash, qui s'est reconverti en agriculteur (pas par choix), qui a subi la mort de sa femme et qui vit désormais avec ses deux enfants et son beau père. C'est un personnage qui a tout perdu, un personnage qui vit mal sa situation (la première fois qu'on le voit il se réveille suite à un cauchemar de son crash), heureusement qu'il a ses enfants, les seules personnes qui le rattachent encore à ce monde. On assiste donc à de très belles scènes mettant en valeur la relation qu'il a avec sa fille Murph et son fils Tom, la balade dans les champs de maïs à la poursuite du drone avec la musique de ce cher Zimmer, on comprend le lien fort qui unit Cooper et ses enfants (surtout Murph d'ailleurs). Ça enchaîne sur une réunion parent-profs qui nous apprend que la plupart des personnes doit devenir agriculteur, qu'elles sont vouées à le devenir afin de survivre, tout simplement. L'Homme n'est plus libre, il doit se consacrer à sa survie, on est réellement sur une ambiance sombre et l'espoir n'est pas d'actualité.
Après avoir posé les personnages et l'univers, le deuxième acte va s'occuper de l'élément déclencheur, celui qui va amener un peu d'espoir et celui qui amène au reste du film (à la conquête spatiale). La rencontre avec le Dr. Brand qui fait suite à un message envoyé par la bibliothèque de Murph, qui sert de point de départ au départ spatial. Un départ possible grâce à la mise en place d'un trou de ver près de Saturne. Cet acte constitue les premières séquences fortes en émotions : après avoir vu que Cooper et sa fille Murph ont une relation forte, on apprend qu'il doit abandonner sa fille (et son fils, mais on s'en tape un peu de lui) pour sauver la Terre... C'est un réel déchirement, que ce soit pour les personnages ou le spectateur. Pas grand chose à dire sur cette partie, c'est loin d'être la plus excitante, elle nous présente juste les enjeux du voyage spatial et fait preuve d'une grande maîtrise de l'émotion.
Le cœur du film débute donc à partir du troisième acte, ça y est, le Dr. Brand, Cooper et leur bande (composée de Romiliy, Doyle et les deux robots TARS et CASE) sont enfin dans l'espace pour rejoindre d'abord le vaisseau Endurance puis traverser le trou de vers et trouver des planètes (découvertes par d'autres personnages plus tôt) qui pourraient accueillir l'humanité. Et à partir de là jusqu'à la fin du film, on assiste à un vrai film d'aventure dans l'espace multipliant les péripéties et les personnages en danger ainsi que les choix compliqués. Durant tout le film, Nolan fait preuve d'une maîtrise technique irréprochable. La photographie est superbe, les planètes sont sublimes (que ce soit vu de l'espace ou à la surface), les plans d'ensemble mettant en scène le vaisseau aussi gros qu'un point noir avec en fond l'espace ont le sens du gigantisme et sont ainsi très impressionnants. La scène sur la planète de Miller (celle constituée d'eau) est un parfait moment de tension qui aura en plus des conséquences graves. La musique d'Hans Zimmer composé de « tic-tac » renforce la course contre la montre et la vague filmée toujours en contre-plongée et à échelle humaine renforce la menace, tout ça aide à avoir une réelle tension et on a peur pour nos personnages, puisque le film n'a cessé de nous montrer que presque aucun espoir n'est permis. Je l'ai dit, les conséquences sont graves et en effet, Nolan ose tuer un des personnages dès la première destination et surtout, la scène qui suit constitue la deuxième séquence forte en émotion. Parce que oui, cette fois ci le cinéaste n'utilise pas son concept et ses déformations temporelles pour l'action mais pour l'émotion. La relativité est beaucoup utilisée ici et à cause d'elle, les quelques heures passées sur Miller équivalent à 23 ans sur Terre, ce qui fait que Cooper a le même âge que sa fille...c'est glaçant. Déjà Murph a vécu 23 ans sans nouvelles de son père et ensuite...avoir le même âge que son enfant c'est quelque chose d'inimaginable mais qui arrive quand même à nous toucher. Bref je pense que la scène durant laquelle Cooper découvre le message de sa fille alors qu'elle est aussi âgée que lui est une scène déjà culte et ce doit être la scène la plus forte niveau émotion.
La planète du Dr Mann qui est censé être LA planète, celle qui peut accueillir l'humanité, est une très belle planète oui mais n'a en réalité que peu d'éléments qui permettent de survivre. Les informations envoyées par le Dr Mann étaient en réalité fausses, ce dernier voulant juste que quelqu'un vienne le sauver. Ici c'est l'instinct de survie qui est mis en scène, l'animosité de l'humain et son égoïsme lorsque sa vie est mise en danger. On arrive ensuite au trou noir et au fameux twist, tout ce qui se passait dans la bibliothèque de Murph était en fait causé par Cooper lui-même. Je ne comprends pas forcément tout mais c'est un twist assez malin avec une utilisation du temps comme sait le faire Nolan. Et puis la symbolique est forte, ce qui peut nous sauver n'est rien d'autre que soi-même.
Derrière toute cette émotion et le côté aventure divertissant, le réalisateur propose un scénario intelligent avec de nombreuses interprétations et pas mal d'idées. Tout d'abord l'utilisation de la loi de Murphy, qui est en lien avec le prénom de la fille de Cooper. Le prénom est extrêmement bien choisi car pendant tout le film, tout ce qui pouvait arriver de mal est arrivé : la vague de Miller a causé la mort de Doyle, Romily a explosé, le Dr Mann a été emporté dans l'espace suite à un accident sur l'Endurance, etc...
Interstellar pose de nombreuses questions sur notamment le monde, l'humanité et leur avenir...et oui parce que la situation présentée en début du film peut quand même arriver un jour (peut-être pas à ce niveau d'importance) et il faudra être préparé pour ce moment. Le film se veut un minimum réaliste, ça rend le tout un peu plus crédible, ça plus le fait qu'il ait sûrement étudié énormément de principes scientifiques et ça nous implique encore plus dans l'histoire. Nolan nous dit clairement que pour survivre et pour faire évoluer la situation, il faut se donner les moyens d'améliorer le futur et ne pas essayer de modifier le passé, c'est pour ça qu'au final, Cooper donne des messages à sa fille pour qu'elle trouve dans le futur la solution de la survie de la Terre.
L'autre question posée c'est sur l'Homme et sa capacité à s'adapter. En effet, l'Homme s'est toujours adapté, toujours en allant plus loin, c'est comme ça qu'il a évolué et qu'il est devenu ce qu'il est aujourd'hui (hum...ça devrait peut-être pas être une fierté...). Maintenant, la prochaine étape pour Nolan c'est la conquête spatiale, l'exploration des étoiles et trouver une nouvelle planète qui aurait tous les bienfaits de la Terre.
Durant tout le film, un dilemme est instauré. Ce dilemme c'est le choix entre le plan A et le plan B. L'un consiste à amener tous les hommes restants sur une nouvelle planète, l'autre consiste en simplement ré-créer l'humanité grâce à des cellules stockées par la NASA. Les personnages qui sont du côté du plan A sont guidés par l'amour, les personnages veulent revoir leurs proches, il est impossible de les abandonner (ce qui est logique). Le plan B consisterait en un sacrifice de l'humanité et c'est quelque chose qui est assez inconcevable, surtout que ça va en contradiction avec l'instinct de survie...Le film se conclut quand même sur la réalisation du plan A et c'est je pense pour le mieux.
En conclusion, Interstellar est un grand film, un grand film au niveau de son contenu, de sa durée et désormais de sa réputation. C'est un film qui fait réfléchir, pour lequel il est important d'avoir une réflexion mais en même temps, c'est un divertissement de grande qualité qui propose un visuel impressionnant, un très bon rythme et une intrigue intéressante. Je ne l'ai pas précisé mais Matthew McConaughey est excellent dans son rôle, il est charismatique (pas autant que dans The Gentlemen quand même) et arrive à nous transmettre des émotions. Le film frappe fort partout et surtout dans l'émotion, le Nolan le plus réussi à ce niveau, on s'attache à tous les persos et on souhaite qu'ils réussissent. Bref, c'est un film pour lequel il était important d'écrire des lignes et je suis content de l'avoir fait, même si c'est possible que je modifie la critique un jour parce que j'ai dû louper plein d'éléments et ne pas assez approfondir certains. Oui c'est vrai que je suis loin d'adorer le film, honnêtement, s'il était pas aussi populaire, je ne sais pas si je l'aurais autant aimé ou en tout cas augmenté la note...En tout cas ça reste du très bon Nolan, peut-être le meilleur sur le plan réflexion.