Le 29ème film du MCU s'inscrit dans le prolongement du renouveau qu'a été Thor: Ragnarok pour le personnage éponyme. Taika Waititi revient après avoir convaincu une grande partie des fans ainsi que Disney pour le quatrième volet centré sur le dieu du Tonnerre. Après sa réussite en 2017 qui savait être aussi épique que drôle, il est évident que ce Love and Thunder créait une certaine attente. Le retour de Natalie Portman en tant que Jane Foster dans une version féminine de Thor, la venue de Christian Bale dans l'univers pour incarner un antagoniste qui se voulait vraiment marquant, une apparition des Gardiens de la Galaxie, on se demandait ce qui pouvait mal se passer. Cette interrogation trouve rapidement une réponse : l'humour. Le réalisateur a un univers particulier qu'on pouvait déjà apercevoir dans Ragnarok, il a une certaine patte et elle tourne beaucoup autour de l'humour. La phase 4 laisse un peu la place aux auteurs (Chloé Zhao, Sam Raimi...), Taika Waititi qui a en plus la chance d'être bien vu par le studio aux grandes oreilles a évidemment pu jouir d'une certaine liberté. Les retours qui suivent les séances en avant-première ne sont pas fameux, ils accusent sans surprise l'omniprésence de l'humour made in Waititi, jusqu'à ce que je sorte mon énième critique élogieuse sur Marvel. En effet cette nouvelle aventure ne m'a pas déçu et je me demande comment ceux qui ont adulé Ragnarok peuvent tant cracher sur celui-ci...
ATTENTION SPOILERS
Ce retour en solo du personnage de Thor a beaucoup été vendu comme une comédie (romantique) par l'équipe du film, réalisateur comme acteurs. Il y avait certainement de quoi effrayer surtout qu'on sortait d'un Doctor Strange presque horrifique et d'un Moon Knight sérieux. Quand on voit à quel point Waititi a su rendre la saga Thor réellement intéressante après deux volets qui comptent parmi les moins bons du MCU alors que la comédie était presque déjà au centre de l'œuvre, on lui fait confiance. Pourtant les critiques, y compris ceux qui avaient apprécié Ragnarok, pointent du doigt un humour qui gâche le film. J'ai beaucoup de mal à voir en quoi son utilisation est différente du troisième Thor. Il est certes moins réussi mais il ne dédramatise jamais (presque) l'action. Waititi sait quand il doit garder son sérieux, avec Gorr par exemple ou la relation entre Thor et Jane malgré quelques vannes par ci par là. Il peut même servir le fond : les crises de jalousie de Stormbreaker développent un Thor qui doit éviter d'être bloqué dans le passé en apprenant à avancer.
Le fils d'Odin est un des piliers du MCU et ce film confirme son statut de personnage légendaire. Passé par de nombreuses souffrances, ce personnage anciennement rongé par la dépression revient en pleine forme sur le devant de la scène. Derrière son assurance dont il fait preuve en se la jouant à la Jean-Claude Van Damme, Thor est en réalité un héros qui se cherche encore et qui remet en question son statut. Asgardien de la Galaxie ou roi de New Asgard ? Héros ou simple Dieu au même titre que Zeus ? D'ailleurs ce dernier, hormis son rôle de McGuffin, est un point central dans son questionnement sur lui-même lors d'une séquence qui fait penser à The Boys, violence et vulgarité en moins. Il parle de "vrai Thor" à Jane mais sait-il seulement ce qu'un vrai Thor est ? Jane semble de plus avoir une réponse différente. Après 3 films solos et plusieurs apparitions dans les Avengers, Thor évolue encore. À la fin de ce Love and Thunder, le dieu du Tonnerre a trouvé son rôle. Il est un héros à l'esprit fédérateur, un esprit bien retranscrit à l'écran dans un climax qui peut tout de même paraître ridicule, désormais caractérisé par l'amour. En 2022, Thor est devenu une ode à l'amour de toute sorte, une célébration de ce sentiment qui motive même les dieux. Ça peut ne pas plaire mais c'est un virage que je trouve très beau et intéressant.
L'autre coup de cœur de ce film est sans aucun doute Jane Foster. Faisant seulement office de love interest quand elle était dirigée par Kenneth Brannagh, elle s'avère beaucoup plus passionnante sous la houlette de Taika Waititi. Thor: Ragnarok nous contait la tragédie d'Asgard, Thor: Love and Thunder nous conte la tragédie de Jane Foster. Atteinte d'un cancer qui avait déjà touché sa mère, elle se réfugie dans Mjolnir... ce qui n'a finalement aucun effet. Un développement émouvant et surprenant pour ceux qui comme moi pensaient qu'elle allait prendre le relais de Thor pour le futur de l'univers. Superbement iconisée lors des séquences d'action, magnifiquement interprétée par Natalie Portman, elle souffre cependant d'un montage qui lui a notamment retiré les explications sur sa capacité à porter Mjolnir. C'est rattrapé par l'alchimie avec Chris Hemsworth qui est géniale et son apport au personnage de Thor. Face aux deux versions du dieu du Tonnerre, nous avons le plaisir de retrouver Christian Bale. Il campe parfaitement un antagoniste parfois effrayant avec des motivations claires qui aurait mérité plus de présence. Chacune de ses apparitions dans l'ombre fait son petit effet, on ressent la menace. L'alliance entre le jeu de Bale, le travail de maquillage et la mise en scène de Waititi font de ce Gorr un méchant de haut niveau à défaut d'être vraiment marquant. En revanche Valkyrie a un rôle décevant, je me suis rendu compte que Korg avait au moins autant d'importance et de temps à l'écran qu'elle... leur mort n'aurait-elle pas été finalement mieux ?
Ce que j'aime beaucoup avec les deux films de Taika Waititi, c'est ce qu'ils apportent à l'univers. Après le multivers de Spider-Man et Doctor Strange, la saga se développe avec la mythologie. On en apprend plus sur les dieux avec Éternité, la Nécrolame ou Omnipotence City. Elles donnent lieu à une vraie aventure spatiale dépaysante à l'esthétique léchée malgré encore une fois des soucis concernant les fonds verts et CGI. Sur un plan visuel je retiendrai surtout cette séquence presque en noir et blanc qui en plus d'être somptueuse, accentue l'aspect menaçant de la scène. Le réalisateur maîtrise les plans d'ensemble dans lesquels les héros s'élancent dans la bataille au rythme d'une BO entraînante. Il a en revanche plus de mal à rendre séduisant le décor enfermé qui sert de climax (même si le clin d'œil aux Célestes et au Gardien fait plaisir). Le montage qu'on a déjà abordé rapidement est un peu étrange. Le film avait apparemment une durée de 4h avant d'être coupé de partout. Si c'est le cas je trouve dommage d'avoir peu mis en valeur Les Gardiens de la Galaxie (au moins j'ai très envie de les revoir l'année prochaine maintenant) pour laisser des séquences de dialogues qui auraient pu être écourtées. On repère aussi ce montage racccourci lors de l'assaut de Gorr à New Asgard, la ville se trouve trop vite remplie de monstres des ombres et de l'armée d'Asgard, la mise en place n'est pas assez importante. Ce procédé m'inquiète un peu, Marvel Studios a enchaîné trois programmes qui subissaient ce montage condensé (Doctor Strange, l'épisode final de Moon Knight et ce Thor donc), j'espère que cela ne deviendra pas une habitude...
Thor : Love and Thunder n'est pas un très grand Marvel mais il est loin d'être le pire comme veulent nous faire croire certaines critiques. Taika Waititi a su imposer sa patte pour un résultat plus que satisfaisant. L'humour omniprésent aussi réussi qu'il soit ne vient pas entacher le drame. Jane Foster et Gorr se présentent comme des coups de cœur aux côtés d'un Thor toujours aussi mythique. Le 9 n'est pas loin mais la fin ne me convainc pas pleinement, sans trop savoir pourquoi. L'aventure Thor n'est pas terminée, un cinquième opus qui puise encore plus dans la mythologie devrait être annoncé et je m'en réjouis.