Interstellar IMAX 15/70mm à Londres
Attention bilan long et détaillé, tant technique que critique, mais il y a beaucoup à dire...
LA SALLE
J'oublie le prix du billet (25€) dès que je rentre dans cette salle. On entre sous l'écran, en se faisant écraser par l'immensité de celui-ci (20x26m), c'est juste deux fois le grand large du Grand Rex (qui est assez moche et mal tendu pour le coup...). Les sièges ont changé pour un tissu rouge. Ce n'est pas le confort absolu mais on y est bien, on a de la place pour les gambettes, aucun souci.
LES PROJOS
Ca alterne pas mal les diffusions pour les pubs et bande-annonces, avec un mono base 2K pour les pubs, un double base 2K pour le FA du Hobbit 3 (format 2.39) et la fameuse intro IMAX (format 1.85) avec la grosse voix grave qui va bien.
Ca enchaine en une poignée de secondes sur Interstellar, avec une brève image IMAX qui nous montre immédiatement qu'on a changé de support. Le contraste est très présent, voir un poil baveux dans les noirs, les teintes légèrement plus jaunes (ou moins bleues ?), la définition différemment ressentie. Instant old-school, on est bien.
LE RESSENTIT ARGENTIQUE
Petit laïus qui me semble important, m'estimant représentatif d'une population jeune (26 ans), plus du tout habituée à l'argentique. Je suis à la fois plus exigeant sur la qualité de proj que le grand public mais aussi plus tolérant, connaissant les avantages potentiels de l'argentique et pouvant donc en pardonner ses défauts.
J'ai seulement 2 projections argentiques récentes au compteur (Batman Begins en 35mm sur le grand large il y a 2 ans, catastrophique, et The Dark Knight Rises en IMAX 15/70 il y a 2 ans, inégal mais excellent en IMAX).
Je demande à voir le 5/70mm ou 35mm mais je pense très sincèrement que le grand public trouvera plus son compte dans une proj numérique, forcément stable (si tant est qu'elle soit correctement réglée...), sans dégradation dans le temps, sans poussière, et sans l'effet stroboscope de l'occultation entre diapos.
Oui le rendu des couleurs est plus froid et moins naturel, oui on voit les pixels lorsque la salle est "trop" grande pour une malheureuse proj 2K, oui le contraste est moins bon, mais le public s'en tape copieusement je pense. C'est un constat personnel et amer mais personne dans mon entourage en 10 ans n'a râlé spontanément sur le faible rendu colorimétrique d'une proj numérique, par contre je peux vous dire que bon nombre monteraient au créneau devant les "défauts" de l'argentique sus-cités et vus samedi.
LES SCÈNES 35M
Pour mémoire, en 2012 j'avais noté une réelle piètre qualité des images 35mm sur The Dark Knight Rises (pourtant le 2e jour de proj), avec un flou très présent, des contours sombres baveux, et de la poussière en pagaille et quelques rayures fugitives. Un vrai choc.
Ici il y a du progrès, et même si les poussières sont parfois bien présentes et persistent plusieurs secondes (sur tout type de scènes), il n'y a pas de problème réel. Juste une image "pas excellente", un peu floue et baveuse mais sans choquer, l'écran semblant trop grand pour elle et la définition n'étant pas spécialement qualitative. Rien que ne fasse sortir du film en tout cas.
Par ailleurs j'ai l'impression que les formats étaient plus varié que juste "scope" et "IMAX 1.44", je pense avoir vu des scènes pano (1.85), ou en tout cas plus hautes que du scope (2.39).
LES SCÈNES IMAX
Boom... Voilà pourquoi tout grand cinéma (Imax digital compris) n'est "qu'un grand cinéma" et pourquoi ces salles argentiques 1.44 représentent une expérience à part.
Les 20 premières secondes suffisent à oublier le délire d'un aller-retour à Londres "juste pour un film". L'image se déploie subitement dans une scène d'ouverture brêve, brutale, sèche et ultra-percutante, on voudrait hurler mais la gorge est nouée. On prend un KO d'entrée, et on s'en reprendra un magistral au décollage de la fusée.
On est ici devant une image unique. L'immersion est intense, le piqué est fou, mais pas de course au pixel façon "12K chirurgicaux" comme le vendent certains : l'image est douce, naturelle et tout simplement superbe et adaptée à la dimension aberrante de l'écran.
L'usage de l'IMAX est parfois surprenant avec par moment de nombreuses alternances de format en peu de temps et sur des scènes semblant peu le justifier. Toutes les scènes "grand spectacle" en profitent en revanche, avec des scènes de voltige aériennes (descentes sur les planètes) ou spatiales folles. Il suffit d'un plan de la Terre vue de l'espace pour se croire devant "Hubble à la Géode" et faire passer Gravity (qui m'avait impressionné) pour une cinématique de jeu-vidéo trop colorée. Je ne sais pas comment ils ont modélisé les planètes mais vous mettrez du temps avant de revoir une Saturne aussi belle...
Note : Interstellar contient bon nombre de scènes lumineuses voir "blanches" (comme l'affiche) et les poussières temporaires, restant parfois tout de même 3 à 5 bonnes secondes, et l'occultation des diapos y sont d'autant plus visibles avec un scintillement (effet stroboscope) fort. C'est parfois distrayant.
LE FILM
Je vais essayer de la faire courte pour ne pourrir personne. Interstellar est un film que j'ai apprécié mais qui peut laisser un goût amer dans la bouche, je comprendrais tout à fait qu'il ne plaise pas par bien des aspects. J'aurai en tout cas besoin d'un 2e visionnage avec des sous-titres pour tout capter.
Christopher Nolan a mêlé science et mélodrame dans un cocktail "d'amour quantique" en deux temps : Il présente tout d'abord un film basé sur des théories scientifiques concrètes et en propose une application romancée mais qui tient la route. Puis quand la science ne suffit plus à tout expliquer, le film prend une tournure émotionnelle, irrationnelle, notamment avec une scène très "2001 : L'Odyssée de l'Espace" qui peut laisser le spectateur sur le carreau.
Concrètement il nous parle de relativité, on comprend, il l'applique, pas de souci. Il nous parle de changement de dimension, on ne peut pas se le représenter, lui non plus, il s'en fout il en fait ce qui veut pour servir son histoire quitte à irriter pas mal de monde.
On peut résumer cela par "Nolan résout les problématiques de physique quantique par l'amour d'une relation père-fille". Ca paraît aberrant, ça l'est, mais c'est d'une certaine beauté si tant est que l'on veuille bien l'accepter, sinon décrochage garantit aux 3/4 du film. La narration parfois bancale, surtout à ce moment, n'aidera sans doute pas...
GROS POINT FORT : Nolan n'est en général pas très à l'aise pour filmer l'émotion, mais c'est un aspect assez réussi du film (heureusement, car c'est très présent...). Grâce à des acteurs au poil, et notamment un Matthew McConaughey excellent, on se laisse bien embarquer et les scènes émotionnelles, parfois trop appuyées mais parfois cruelles, sont un des points forts.
On reconnaît facilement la patte Nolan avec "un homme de 40 ans brisé par la perte d'un être cher partant en quête de réponse/rédemption", une direction artistique austère mais "réaliste", et le goût pour les jeux de déformation du réel et les changements des lois de la physique plutôt que des modélisations 3D farfelues. Les images n'en sont que plus belles.
PS : Le public anglais mange comme un porc. Je n'ai jamais vu une pareille quantité de déchets alimentaires / popcorn par terre en fin de film. Petite pensée au brave écossais ayant fait un speech au micro en début de séance demandant d'y faire gaffe.
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