De la difficulté de retomber sur ses pattes

Petit débrief 0% spoiler, à chaud, d'un film difficile à digérer car, disons-le tout de suite, s'il réjouit par moments, il n'est pas exempt de défauts.

La première moitié est ainsi très chargée et présente d'emblée une pilule d'intrigue qui sera, il faut l'admettre, fort difficile à avaler pour beaucoup. Comme un réalisateur qui aurait souhaité rattraper un épisode 8 qu'il n'a pu faire lui-même et tente de bricoler en 2h20 une intrigue intergalactique sortie du placard. La précipitation est donc palpable, avec une intrigue à la fois tentaculaire et transpirant l'urgence et la frénésie, emplie de petits rebondissements et personnages dispensables, ce qui la rend d'autant plus difficile à suivre et intégrer. Une densité accablante, et parfois vaine, donc.

Citons au menu des sentiments mitigés aussi un nombre pharaonique de rappels nostalgiques, sous forme de clins d'œils appuyés qui marchent pour certains (sur moi en tout cas), et de reprises de scènes et structures narratives de la trilogie originale (à l'instar du décalcomanie qu'était l'épisode 7, mais de façon moins flagrante). Cela me convenait personnellement dans le 7, pour lancer la saga sur les traces de "l'essence de Star Wars pour les jeunes qui la découvrent", mais cela a finalement poursuivi la trilogie dans son ensemble, et c'est dommageable.

Ces deux éléments font un film bâtard, à la fois très convenu et sur-prudent, et en même temps foutraque dans son premier acte car essayant à la fois de ressusciter des mythes et intrigues fondateurs qui sortent un peu de nulle part, tout en raccrochant les wagons de façon plus ou moins réussie avec ses 2 prédécesseurs. Un goût amer, donc.

Pour autant, on retiendra aussi du bon, voire très bon par moments !

Au centre de tout cela, l'émotion réussit à jaillir à plusieurs reprises et notamment dans un acte central fort et maitrisé lors d'un grand face-à-face qui a été largement vendu par les bandes annonces successives. Cette réussite est due notamment aux 2 protagonistes (Rey & Ben) qui auront décidément été les 2 rocs de cette trilogie : des acteurs engageants, une narration et un développement qui leur est propre et n'a pas été altéré par la chaise musicale des réalisateurs mais a plutôt gagné en puissance au fil des épisodes pour un final convenu mais joliment exécuté. Une vraie réussite selon moi qui témoigne d'une grande qualité à l'échelle de cette trilogie : le jeu d'acteurs est là, et avec lui les émotions qui manquaient cruellement à une prélogie pourtant narrativement bien plus fluide et cohérente. Les personnages portent aussi le poids de leurs choix et responsabilités, même si rappelons-le, ici très peu de risques sont pris.

Les secondes couteaux Finn et Poe retrouvent une place plus centrale eux-aussi et portent un héroïsme un peu désuet mais charmant, malheureusement pas toujours bien servi par la mise en scène ultra rapide qui ne leur laissera pas le temps de se développer correctement. Ils resteront définitivement dans l'ombre du duo star, même si l'amitié du trio est ici plus sympathiquement présentée. Les anciens assurent leurs quelques scènes comme à leur habitude, avec un final tristement beau et digne offert à Leïa, malgré les contraintes évidentes suite au décès de Carrie Fischer.

Au menu des bons points, le visuel reste en partie au rendez-vous avec quelques plans magistraux qui ne prennent pourtant pas assez leur temps (Johnson avait au moins cette qualité dans l'épisode 8, malgré tout ce que certains ont pu lui reprocher à côté), une bataille spatiale démesurée mais décousue et difficile à suivre qui n'atteindra clairement pas l'impact et la fluidité de celle du 6 : Les plans titanesques s'enchaînent mais peu restent en tête (un syndrôme un peu "Hobbit"). Tout est donc un peu excessif mais certaines trouvailles et certains plans valent le coup et apportent un peu de fraicheur à une trilogie qui manquait d'univers : une communauté en plein festival dans le désert, un temple millénaire sur un monde caché, etc. Comme pour le reste cependant, la sensation de visiter 15 lieux à la secondes fait que tous ne resteront pas dans les mémoires.

Un film bancal donc, mais qui mérite revisionnage, avec un premier acte nerveux et un peu vain, mais une deuxième moitié certes très convenue et débordant de fan-service mais qui apporte de belles émotions à qui voudra bien s'y ouvrir.

Il résulte de cette trilogie une sensation mitigée de beaux moments, de personnages forts avec des anciens partant avec panache et des nouveaux arrivés attachants et engageants qui auront su prodiguer des émotions quand il le faut, et au global un divertissement franchement qualitatif pour le jeune public qui souhaite s'initier au mythe de Star Wars. Ce sera plus difficile pour les connaisseurs qui attendaient de la vraie nouveauté, narrative et mythologique, qui verront les articulations grincer entre 3 opus sans doute trop pensés au cas par cas, et qui seront eux-même possiblement assommés par un déluge de références qui tentait de leur plaire. Du gâchis ? Sans doute. Une trahison et un scandale d'état ? Certes pas.

Les connaisseurs, et j'en suis, vont voir un Star Wars avec leur bagage d'attentes et les réactions sont souvent passionnées et impitoyables. Reste un ensemble de films fantastiques sans réelle concurrence dans son domaine, parfois plat, paresseux ou inégal certes mais qui m'aura procuré depuis mes 10 ans des sensations et un souffle d'aventure qu'elle seule sait donner.