A boire ou à manger

Porter à l'écran un personnage marginal et décalé revient pour moi à fabriquer un miroir aux alouettes. Le meilleur exemple est "Grizzly Man". Un personnage atypique, farfelu et... Marginal, qui part plusieurs années de suite dans le Grand Nord, pour filmer les Grizzly et prouver à la terre entière qu'ils sont beaux, doux et gentils. Le problème est qu'ils sont gros, puissants et carnivores. Je vous laisse imaginer la suite. Mais "Into The Wild" est l'exact opposé de ce genre de film, et par extension, de "Grizzly Man".

Tout d'abord il y a le personnage. Décalé, certes, marginal, c'est sur; mais intelligent. Là où un Timothy Treadwell était il faut le dire, un gentil couillon. Rêveur et idéaliste. Alors vous me direz que quelque part Christopher McCandless l'est lui aussi et que la fin tragique en est le parfait exemple, illustré en plus par un rappel à la réalité qui ne manque pas de cynisme. Soit.
Mais là où j'ai vraiment aimé la vision de Sean Penn, c'est qu'il sublime une personnalité profondément humaine, il donne un regard unique au personnage. Au sens propre comme au sens figuré d'ailleurs. Emile Hirsch crève l'écran et donne un relief incroyable au personnage.
J'ai adoré le découpage du film, axé sur des rencontres insolites et toujours belles, où justement la beauté de l'individu ressort au premier plan. (Et que l'on aime ou pas Kristen Stewart, et quelle que soit l'importance de son rôle, je trouve qu'elle ne dénote pas dans son personnage, au contraire.)

Enfin et surtout, il y a le coup de patte artistique de Sean Penn, MAGISTRAL.
Je n'avais pas vu de paysages et d'ambiance sauvage aussi bien filmés depuis "Dance avec les Loups". La direction artistique est irréprochable et portée en plus par une Bande Son SUBLIME.

Donc pour moi, si ce film déclenche un tel écart de notation, c'est que dans le fond on peut y voir ce que l'on veut y voir, en fonction de sa sensibilité, du moment et de son humeur. Mais derrière la mauvaise foi, le rejet de toute sensiblerie et le pragmatisme exacerbé, il y a quand même une histoire, un personnage et surtout une vision artistique magnifique. Et c'est ça que j'ai vu ce soir. C'est ça qui m'a boté le cul jusqu'à la fin du générique, et Dieu sait que ça ne m'est pas arrivé souvent.

Le mot de la fin, qui a surement été un apprentissage tardif pour ce personnage si touchant, dans le fond: (j'assume ma part de féminité) Le bonheur n'est effectivement que dans le partage.