Supertramp's Illogical Song

C’est un film que je chéris beaucoup, mais sans doute pas pour les raisons habituellement citées. J’y apprécie que ce soit une histoire vraie, racontée avec sincérité et fidélité. Mais plus que l’histoire de Chris, c’est l’histoire de milliers d’Alex Supertramp, et de leurs proches. Ceux qui ont fugué très tôt, ceux qui ont tout plaqué sur le tard, et ceux qui en rêvent encore chaque matin. Il y a un Alex Supertramp en chacun de nous, un élan de liberté ou destructeur, difficile à dire, qui se nourrit de nos frustrations et nous crie de partir à l’aventure. Et il y a mille autres voix, qui nous chuchotent la fin tragique d’Alex, qui nous rappellent que son aventure était égoiste, qu’il y est un abruti fini tout du long, qui nous demandent s’il n’a pas fait plus de mal que de bien à tous ceux qui ont croisé sa route, qui nous crient enfin comme une évidence qu’il a fui ses rêves en pensant courir après eux. C’est un film sur l’enfant insatisfait qui tambourine en chacun de nous, une injonction à l’écouter, un peu, parfois, mais sans oublier au passage générosité, amour de nos proches, et raison.

C’est finalement un film que je peux revoir à chaque étape de ma vie avec un regard différent à chaque fois. Un film qu’adorent les plus antisystème de mes potes et la plus petite-bourgeoise de mes tantes. Et n’est-ce pas la marque d’une belle oeuvre que de s’évader du regard de ses créateurs pour voguer librement dans nos coeurs, y faisant naître des interprétations et sensations aussi variées ? Merci encore à Émile Hirsch et Sean Penn pour ce beau voyage introspectif.