Into the Wild par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Que peut-il arriver de mieux à Christopher McCandless: à vingt deux ans, bel homme de sa personne, vivant dans une famille américaine aisée, il est diplômé d'université ? Il possède un peu d'argent et ses parents, malgré une existence chaotique, n'hésitent pas à se montrer généreux avec lui afin de saluer sa réussite. Toutefois le fils de "bonne famille" ne se satisfait pas de ce destin lui réservant une vie paisible et aseptisée. Aussi décide t-il un beau jour de partir sans le sou et sans prévenir son entourage par les routes de l'Amérique afin de vivre sa vie en solitaire, en contact direct avec la nature. Un vieux bus abandonné dans un lieu désert en Alaska lui sert alors de refuge.


Toute la question que pose cette "réaction impulsive" de Christopher est d'analyser si le fait de partir en solitaire vers son destin et se marginaliser de la société, même si le contexte familial de ce jeune pouvait à la rigueur être perturbant pour lui, est une bonne philosophie. Partir est son idée fixe, partir en se coupant de ce qui l'entoure, quitter ceux qui l'aiment malgré leurs défauts mais aussi leurs qualités, ne pas participer à la vie active sachant pourtant qu'une belle situation s'ouvre devant lui, partir en ne se rendant utile que pour soi, n'est-ce pas un style de lâcheté ou d'égocentrisme exacerbé ? Durant sa route à travers un certain nombre d'Etats et en passant brièvement par le Mexique il rencontrera un certain nombre de personnes très attachantes qui l'aideront, qui le guideront et qui l'aimeront. Malgré cela, il repart avec un nouvel objectif, l'Alaska. De ce périple qui va durer environ deux ans, l'expérience se révélera t-elle fructueuse sur le plan personnel ? Les trois mois passés dans un vieux bus, au milieu d'une nature hostile et au bord d'une rivière capricieuse vont-ils être salutaires afin que le jeune homme trouve définitivement la spiritualité qu'il recherche ? Ce n'est pas certain car cette vie là n'est peut-être pas la plus constructive au niveau de l'esprit. L'homme a besoin de compagnie, d'échanges et ne peut guère rester replié sur lui-même bien longtemps sans conséquences fâcheuses. Christopher a beau dévorer les livres de London ou de Tolstoï entre autres, ces lectures ont leurs limites au niveau de leur interprétation. L'hymne à la nature est un rêve, c'est vrai , mais est-on certain de la fidélité de celle-ci? Lorsque le marginal se décide à rentrer au bercail au bout de deux ans d'expérience et de silence, la rivière a grossi. La nature lui dressant un obstacle insurmontable, il reste prisonnier dans son bus pour quelque temps. La nature, aussi belle soit-elle, va se charger de le nourrir pour le meilleur mais aussi pour le pire nous valant une scène finale extraordinaire. Les moments de sa vie "citadine" lui reviennent en images. Regrette t-il ce temps, regrette t-il ces gens qu'il a approchés durant vingt deux ans ? A mon avis certainement, car le monde fut certes parfois hostile envers lui mais cet isolement l'a fait passer devant tant de belles et bonnes choses. L'individualisme et l'égoïsme sont des comportements qui ne peuvent ensoleiller une existence durablement car finalement, on a tous besoin de quelqu'un dans un coin de notre cœur.


Ce film est tiré d'un roman de Jon Krakauer: "Voyage au bout de la solitude" écrit en en 1996. Ne connaissant pas ce livre, je ne peux le comparer au film fort bien réalisé par Sean Penn. Cette œuvre est prenante voire passionnante. Le cinéaste nous concocte un film très sophistiqué, peut-être un peu trop d'ailleurs. Les paysages sont absolument féeriques, filmés avec virtuosité par Eric Gautier. Je dois dire tout de même qu'il y a certaines poses et certains passages assez convenus qui m'ont un peu dérangé car parfois on tombe dans des postures assez "faciles" afin de justifier cet esprit de liberté absolue qui se dégage de cette histoire. Il n'en demeure pas moins que cette œuvre est remarquablement réalisée grâce notamment aux flash-back, aux sous-titres et à la voix off qui nous permettent d'entrer dans certains détails de la vie brève et aventureuse de Christopher McCandless. Celui-ci est interprété à la perfection par Emile Hirsch qui nous envoie l'image d'un "aventurier" autant révoltant que sympathique. Son personnage est ambigu et parfaitement analysé, à tel point qu'il peut parfois nous révolter mais aussi nous attendrir. On ne peut que féliciter chaleureusement les autres acteurs de ce film qui sont très nombreux et convaincants. Parmi eux citons William Hurt et Marcia Gay Harden ses parents qui contribuent par leur liaison quelque peu surprenante à provoquer les réactions de leur fils. La sœur de Christopher, Carine, jouée par Jena Malone est très touchante, elle nous dévoile toutes ses pensées et des "recoins secrets" de Christopher. Il y a aussi les amis rencontrés au hasard de la route qui se confient en toute amitié et souvent avec philosophie et servent souvent de guide à cette évasion secrète. Ils ont tous une personnalité forte et attachante, je cite uniquement Brian H Dierker dans le rôle de Rainey tant la liste est longue ! Il faut absolument mettre à l'honneur la musique de Eddie Vedder qui est absolument sublime et qui nous accompagne formidablement durant cette épopée.


Voici donc une œuvre à déguster, à savourer autant par l'intérêt de son sujet, par ses photos de paysages que par sa bande originale. Sean Penn nous démontre avec beaucoup de virtuosité que la liberté sous toutes ses formes se mérite et que la nature, même paradisiaque, est une maîtresse complexe aussi merveilleuse que dangereuse. Laissez-vous tout de même charmer par elle et par ce récit absolument passionnant qui appelle à la méditation.


Ce film a obtenu:



  • Meilleure chanson pour Eddie Vedder, au Golden Globes 2008.

  • Prix de la Commissions Technique de l'Image et du Son pour Eric Gautier aux Lumières de la presse étrangère 2008.

Créée

le 28 juin 2015

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