Alors que les adaptations aseptisées estampillées Disney (Alice au Pays des Merveilles, Maléfique, Cendrillon) pullulent sur les écrans en réussissant à ameuter tout un public malgré leur manque de qualité, Into the Woods, lui, est totalement passé inaperçu. Et pour cause, le long-métrage n’a rapporté que 153 millions de dollars à travers le monde. Bon, pour un budget de 50 millions, nous ne pouvons pas vraiment parler d’échec commercial. Mais de la part du studio aux grandes oreilles, cela se révèle être un score plutôt faible. Pourtant, Into the Woods a bien plus de mérite que les autres adaptations, et ce sur bien des points malgré des défauts non négligeables.
Alors oui, il est vrai que le nouveau film Disney de Rob Marshall (qui avait réalisé Pirates des Caraïbes : la Fontaine de Jouvence) peut en rebuter plus d’un et ce à cause d’un détail : Into the Woods est un divertissement principalement musical. Le genre où les personnages s’expriment par la chanson et rarement par le parler normal (juste de temps en temps), offrant des allures excessivement théâtrales au projet. Normal que des spectateurs aient du mal à supporter un tel film, d’autant plus si c’est pendant deux bonnes heures (Les Misérables de Tom Hooper n’avait déjà pas convaincu sur ce point). Sans oublier qu’ils doivent passer par une playlist de chansons certes sympathiques mais au combien semblables sur le rythme, ce qui provoque une certaine monotonie lors du visionnage. Mais critiquer un film parce qu’il est musical est un argument non recevable (plutôt une question de goût). Au contraire, cela apporte un certain bagou à l’ensemble : on y voit des comédiens mondialement connus s’éclater en jouant le jeu, on a une ambiance bonne enfant… tout ce qu’il faut pour capter l’attention et amuser ne serait-ce que quelques minutes.
Mais en dehors de son aspect musical, c’est avec d’autres caractéristiques qu’Into the Woods parvient à surpasser les adaptions live actuelles de Disney. Déjà sur le plan scénaristique. Et pour cause, au lieu de reprendre bêtement un dessin animé et d’en faire une véritable coquille vide ou bien une dénaturation blasphématoire, le long-métrage de Rob Marshall ose. Car non seulement il reprend quatre contes différents (Petit Chaperon Rouge, Jack et le Haricot Magique, Raiponce et Cendrillon) et les mélange pour en faire une trame principale qui tient vraiment bien la route, mais il se permet même de casser l’image même Disney et de son affiliation avec les histoires de princesse : le film est aussi glauque que les contes d’origine, abuse par moment de la niaiserie propre au studio pour mieux s’en moquer (le prince charmant mais pas sincère en est le parfait exemple), se permet bon nombre d’allusions très adultes… Bref, le scénario prend des risques et n’est finalement pas vide de sens. Il est néanmoins dommage que le script se perde dans une seconde partie (après 1h15 de visionnage) qui tourne en rond (pour ne pas dire « se ridiculise ») et faisant plus office de remplissage qu’autre chose. Là, l’ennui pointe irrémédiablement le bout de son nez, accentué par la monotonie des chansons, faisant du coup comprendre que le public ait décroché au bout d’un moment.
Là où Into the Woods étonne également, c’est par sa direction artistique. Au lieu d’abuser sans raison du numérique pour justifier l’utilisation d’un budget pharaonique, le film se contente de moins et parvient à aborder un aspect plus artisanal, agréable pour la rétine et donc moins artificiel. Allant à la confection des costumes, des maquillages et des décors, tout dans Into the Woods est fait à la main tout en restant en adéquation avec l’ambiance générale, cette dernière se balançant entre la magie et le glauque. Mais là encore, le long-métrage doit essuyer une contrainte vis-à-vis de ce budget moins conséquent qu’à l’accoutumée, notamment en ce qui concerne les effets numériques. S’ils ne sont pas aussi présents que dans un Cendrillon (et c’est tant mieux !), ils restent cependant peu attrayants pour l’œil. Voire même de bien piètre qualité, nuisant au résultat final, surtout dans un dénouement qui ne fait que les utiliser pour finir sur une note spectaculaire.
Comme vous avez pu le lire dans cette critique, Into the Woods est loin d’être parfait. Et le fait qu’il soit intégralement musical limite son public. Mais au-delà de tout cela, je le préfère largement qu’à Maléfique et consorts. Pourquoi ? Tout simplement pour le fait qu’il se présente à nous telle une œuvre véritablement artistique dans son visuel et qu’il ose dans son écriture (même si cela ne se voit pas dans la bande-annonce). Et rien que pour cela, c’est avec un certain plaisir que je le reverrai, allant même jusqu’à vous le conseiller, du moins par curiosité.