En 2015, au tout début d’année, Disney tente une adaptation d’une comédie musicale de Broadway, crée en 1986, en format cinéma du même nom : Into The Woods. Seulement, étant donné l’époque dans lequel on se trouve, les comédies musicales au cinéma ont une très sale réputation auprès du public moderne pour ne pas dire qu’ils sont littéralement rejetés avec une vision pour le moins ridicule de ce genre.
Certains disent que c’est gnangnan, d’autres que ça rend l’histoire désagréable et absurde, certains allant même jusqu’à dire que ce n’est pas du cinéma. D’autres se permettant même de se foutre littéralement de la gueule de certaines scènes de ce film pour le décrier comme un étron, quand il n’y en a pas un pour appeler au boycottage à cause de son format musical. Comme si descendre La Reine des Neiges à cause de son format musical n’était pas suffisamment idiot.
Mais là je pense qu’il serait temps d’arrêter les conneries, déjà pour deux choses : premièrement, la comédie musicale est un genre cinématographique, elle n’a pas à être uniquement relégué à du théâtre chanté, il y a même un paquet d’excellente comédie musicale au cinéma, en prise de vue réelle comme en animation (Moulin Rouge, Chantons sous la pluie, Grease, Mary Poppins, La Reine des Neiges, Le prince d’Egypte, etc…).
Deuxièmement, je trouve cela triste qu’on renie autant les comédies musicales juste pour ce qu’ils sont à cause des moqueries qui ont été faite à partir des années 1990 dans plusieurs films. Et dire de les boycotter pour ça, c’est comme si on nous ordonnait de boycotter des films comme Interstellar, Ex Machina, Matrix, Bienvenue à Gattaca ou Prometheus parce que ce sont des films de science-fiction, c’est juste une réaction débile pour dire qu’on aime pas un genre, donc merde !
Pour en revenir à Into The Wood, niveau box-office, il s’en est pas si mal tiré finalement : plus de 128 millions de dollars sur le territoire national et plus de 85 millions à l’international, c’est pas un mauvais score pour un genre autant méprisé, surtout que Disney est bien reparti pour se focaliser sur plusieurs réadaptations de classiques prochainement au détriment de projets plus originaux, en raison du flop de John Carter d'Andrew Stanton, Lone Ranger de Gore Verbinski et de A la poursuite de demain de Brad Bird (tous des films intéressants pourtant).
Et si Into The Wood ne manque pas de défaut évident et d’imperfection parfois très voyant, tout ce que j’apprécie dans une comédie musicale est là, ce qui me fait une raison de plus de défendre ce film. Donc, allons-y sans plus attendre.
Tout d’abord, qu’est-ce que les haineux critiquent le plus dans ce film ? L’aspect musical, le fait qu’on ait un gros lot de chanson en deux heures et que tous les personnages chantent comme si ils étaient sur une scène de théâtre. Mais justement, c’est le principe même d’une comédie musicale, c’est la base même pour raconter une histoire dans ce genre. Et en général, ce film le fait plutôt bien. Stephen Sondheim, compositeur et parolier, et créateur de la pièce de théâtre en question, était en charge de la musique et des chansons. Si le résultat n’est pas aussi réussi que dans Sweeney Todd de Tim Burton (une autre adaptation d’une pièce de Broadway au cinéma que je vous recommande), l’ambiance musicale marche plutôt bien.
On pourra reprocher aux chansons de trop se répéter par moment, notamment I Know Things Now, de même pour l’instrumentation. Mais si on aime le charme de la musique de Broadway et des comédies musicales rétro et avec un aspect romanesque, je pense qu’il y a largement moyen d’apprécier.
Le premier quart d’heure du film, le prologue, étant une bonne illustration de comment introduire ses personnages dans une comédie musicale ainsi que l’intrigue, aucun des principaux personnages n’est laissé de côté et chacun exprime ses motivations en chansons. Par ailleurs, ayant vu le film en VF puis en VO récemment, je peux affirmer que tout les acteurs font un excellent boulot : James Corden, Emily Blunt, Chris Pine, Anna Kendrick, Daniel Huttlestone ou encore Lilla Crawford, mais ma préférée reste cette très chère Meryl Streep qui est tout simplement l’actrice la plus fun du film rien qu’avec son grand final.
Par contre, pour ce qui est de l’exploitation des personnages, y’a beaucoup de bonnes idées… mais aussi du brouillon et un Johnny Depp sous-exploité qui, aussi amusant qu’il soit en loup, ne fait même pas 10 minutes d’apparition. Dommage parce qu’il assure niveau chant et le dernier plan à la fin de Little Girl est classe. Pour le reste, j’y reviendrais.
Là où ça pêche aussi, c’est pour la mise en image de Rob Marshall avec cette transposition de la pièce de théâtre sur format cinéma. Visuellement, j’aime bien les décors de la forêt mystérieuse ou chaque personnage de conte rencontre le boulanger ainsi que sa femme, et la réalisation pour les scènes musicales passe assez bien, Marshall ayant également réalisé le sympathique Chicago avec Catherine Zeta-Jones.
Par contre, pour les passages parlés et les transitions entre les chansons, il y a clairement un gros problème de rythme. Le pire étant l’arrivée du troisième tiers qui sort presque de nulle part
(le haricot que Cendrillon a balancé lors de la troisième rencontre entre elle et la femme du boulanger)
, un troisième tiers loin d’être dénué de bonnes idées mais qui arrive d’un claquement de doigt sans prévenir au moment ou tout semble virer au happy ending.
Sans oublier que ce film a aussi un gros souci avec le respect des contes, y compris pour les moments plus glauques qui sont ridiculement édulcoré et donnent un rendu brouillon et peu crédible à l’écran,
surtout avec les yeux crevés des deux vilaines sœurs de Cendrillon et le prince de Raiponce qui tombe dans les ronces magiques de la sorcière, sans oublier la mort de la boulangère totalement bâclée (je n’avais même pas compris qu’elle était au sommet d’une falaise à ce moment).
L’émotion marche que trop rarement à cause de cet aspect brouillon et ce manque d'assurance dans les moments plus dures.
Et côté visuel, là aussi il y a à redire pour ce qui est de l’usage du numérique. Si les halos de lumière magiques sont tout à fait passables et que le haricot géant passe encore,
le fait que la mère géante soit continuellement cachée par les arbres
montre la limite du budget du film en termes d’effets numériques.
Mais au-delà de ça, ce film tente énormément de choses niveau développement et exploitation de ses personnages. L’idée de faire croiser les personnages des contes populaires par deux personnages inédits (le boulanger et la boulangère) est, en soit, plutôt bien exploité et apportent des dilemmes intéressant pour chacun des personnages principaux ou même un peu plus secondaires comme le prince de Cendrillon. Entre le chaperon rouge qui se méfie désormais du moindre inconnu après avoir été trompé par un loup, Cendrillon qui décide de laisser une de ses pantoufles de verre afin que le prince la recherche pour prouver son amour, ce dernier ainsi que le prince de Raiponce ridiculement beau et tourné en ridicule lorsqu’il chante leur amour à Raiponce et Cendrillon qu’ils connaissent à peine (AGONYYYYYYYYYYYY), le parcours du boulanger, ou encore la sorcière aux multiples facettes
et dont la scène de mort est juste jouissive tant Streep s’éclate et se donne à fond.
Et par moment, l’émotion arrive à fonctionner lorsque ce film prend son temps, notamment lors de la chanson No one is Alone ou le boulanger, Jack, le chaperon rouge et Cendrillon chantent sur le fait que le monde ne se limite pas à qui est bon ou mauvais. Là les liens entre les personnages passent bien et quelque chose en ressort vraiment (jusqu’à la transition…. Et crotte). Sans oublier qu’il y a quelques satires qui fonctionnent finalement plutôt bien,
comme pour le prince de Cendrillon finalement montré comme un coureur de jupon mais pas comme l’idéal que souhaitait Cendrillon.
Globalement oui, ce film a beaucoup de défauts et de gros problème, mais pas parce que c’est une comédie musicale, encore une fois. Néanmoins, je trouve qu’il ressort beaucoup de charme de cette tentative de Disney de refaire une comédie musicale en prise de vue réelles. Aussi maladroit que ça soit, il tente au moins de proposer des choses en prenant le risque d’opter pour un genre mal vue de nos jours.
Et à cela je dis oui, j’ai même envie de revoir Disney réessayer une autre comédie musicale en live si la bonne volonté y est toujours. Voir même d’autres genres avec des projets inédits tel que Le Bon Gros Géant de Spielberg l'été prochain ou des tentatives de raconter des faits réels comme avec The Finest Hours récemment.
Puis de toute façon, ça sera toujours plus louable qu’une saga de SF pro-adolescent sans saveur comme Divergente ou un gros fan film grotesque et surexploitant son humour au point d'en devenir tape à l'oeil et assommant comme Deadpool.
Donc, s’il vous plaît, si vous n’aimez pas les comédies musicales, ayez au moins la sympathie de ne pas lui vomir dessus gratuitement… par pitié, ça devient insupportable ! Sinon, si vous êtes intéressé par tout genre et que les comédies musicales ne vous rebutent pas, laissez-lui sa chance si l’envie de le voir vous en prend.