Un nom, aussi prestigieux soit-il, ne saurait couvrir de son ombre la qualité véritable de l’œuvre qu’il signe. Pourtant, les dithyrambes que l’on peut lire un peu partout dans la presse au sujet d’Intolerable Cruelty érige ce dernier en bijou comique qui sait, derrière sa vulgarité revendiquée – qui ne serait qu’apparente –, brosser le portrait attachant et subtil d’un couple. Or, c’est parce que nous aimons la filmographie des frères Coen et reconnaissons son importance dans le paysage cinématographique mondial que nous prendrons la défense du ratage, de l’accident de parcours qui arrive aux meilleurs et qui prend ici l’aspect d’une telenovela de luxe dans lequel l’acide ne perce que des coquilles vides, dans lequel le critique se heurte à l’esprit sans esprit, vide en somme, de ces pantins caricaturés à l’extrême. Sous couvert de réinvestir une tradition burlesque, les cinéastes entassent des plans exagérés sur des acteurs tout à la fois gonflés comme des ballons de baudruche et désespérément plats, sans saveur aucune sinon celle de l’autodérision pratiquée sans direction ni talent. Les cinéastes oublient que ce qui fait la grandeur de leur cinéma – ou plutôt y concourt – n’est autre que l’amour qu’il éprouve et manifeste pour leurs personnages, puissent-ils être antipathiques ou sociopathes.


Ce n’est plus un cinéma qui se moque d’un milieu défini par son artificialité, c’est un cinéma qui se repaît des poses et des attitudes qu’il aimerait dénoncer, fasciné par le spectacle qu’il met lui-même en scène. Quelques scènes font sourire, à l’image de cette pauvre femme qui énumère devant un tribunal les stratagèmes mis en œuvre par son mari pour lui faire l’amour. Mais le cynisme des Coen se heurte à la facilité et à la gratuité de cet enchaînement de séquences loufoques : il gagne en lourdeur ce qu’il perd en rigueur, précision, pertinence du geste. Dommage.

Créée

le 30 oct. 2020

Critique lue 172 fois

3 j'aime

1 commentaire

Critique lue 172 fois

3
1

D'autres avis sur Intolérable Cruauté

Intolérable Cruauté
Sergent_Pepper
4

On ne cabotine pas avec l’amour

Il est certaines filmographies qu’on suit depuis si longtemps qu’il nous vient l’envie irrépressibles de combler ses petits manques. Des frères Coen, il ne me manquait que celui-ci, et le suivant, à...

le 29 févr. 2016

35 j'aime

9

Intolérable Cruauté
pierrick_D_
4

Critique de Intolérable Cruauté par pierrick_D_

Miles Massey est la star des avocats spécialisés dans le divorce pour faute.Il n'a pas son pareil pour distordre les faits et permettre à une femme infidèle de plumer son riche mari ou pour sauver un...

le 21 nov. 2020

12 j'aime

7

Intolérable Cruauté
Guitsby
5

Un peu d'amertume en bouche....

Des acteurs parfaits, un vrai soin apporté au traitement des personnages et un regard décalé et cynique sur notre société... On retrouve bien là la touche des Cohen. Et pourtant le scenar se perd, on...

le 9 oct. 2009

9 j'aime

Du même critique

Sex Education
Fêtons_le_cinéma
3

L'Ecole Netflix

Il est une scène dans le sixième épisode où Maeve retrouve le pull de son ami Otis et le respire tendrement ; nous, spectateurs, savons qu’il s’agit du pull d’Otis prêté quelques minutes plus tôt ;...

le 19 janv. 2019

89 j'aime

17

Ça - Chapitre 2
Fêtons_le_cinéma
5

Résoudre la peur (ô malheur !)

Ça : Chapitre 2 se heurte à trois écueils qui l’empêchent d’atteindre la puissance traumatique espérée. Le premier dommage réside dans le refus de voir ses protagonistes principaux grandir, au point...

le 11 sept. 2019

78 j'aime

14