Un nom, aussi prestigieux soit-il, ne saurait couvrir de son ombre la qualité véritable de l’œuvre qu’il signe. Pourtant, les dithyrambes que l’on peut lire un peu partout dans la presse au sujet d’Intolerable Cruelty érige ce dernier en bijou comique qui sait, derrière sa vulgarité revendiquée – qui ne serait qu’apparente –, brosser le portrait attachant et subtil d’un couple. Or, c’est parce que nous aimons la filmographie des frères Coen et reconnaissons son importance dans le paysage cinématographique mondial que nous prendrons la défense du ratage, de l’accident de parcours qui arrive aux meilleurs et qui prend ici l’aspect d’une telenovela de luxe dans lequel l’acide ne perce que des coquilles vides, dans lequel le critique se heurte à l’esprit sans esprit, vide en somme, de ces pantins caricaturés à l’extrême. Sous couvert de réinvestir une tradition burlesque, les cinéastes entassent des plans exagérés sur des acteurs tout à la fois gonflés comme des ballons de baudruche et désespérément plats, sans saveur aucune sinon celle de l’autodérision pratiquée sans direction ni talent. Les cinéastes oublient que ce qui fait la grandeur de leur cinéma – ou plutôt y concourt – n’est autre que l’amour qu’il éprouve et manifeste pour leurs personnages, puissent-ils être antipathiques ou sociopathes.
Ce n’est plus un cinéma qui se moque d’un milieu défini par son artificialité, c’est un cinéma qui se repaît des poses et des attitudes qu’il aimerait dénoncer, fasciné par le spectacle qu’il met lui-même en scène. Quelques scènes font sourire, à l’image de cette pauvre femme qui énumère devant un tribunal les stratagèmes mis en œuvre par son mari pour lui faire l’amour. Mais le cynisme des Coen se heurte à la facilité et à la gratuité de cet enchaînement de séquences loufoques : il gagne en lourdeur ce qu’il perd en rigueur, précision, pertinence du geste. Dommage.