Une forme d'opportunisme dans le jugement

"Intouchables" a, comme "Les Choristes", "Amélie Poulain" ou encore "Bienvenue chez les ch'tis", subi le syndrome du trop gros succès. Je m'explique: avant la sortie de tous ces films, public comme critique était ravi. Moi, je me rappelle pour "Intouchables" d'une presse dithyrambique, avec Studio Ciné Live qui lui a donné la mention de grand film et Eric Libiot de l'Express lui ayant accordé le maximum d'étoiles (et c'est tout de même une performance puisqu'il n'est généralement aussi ouvert qu'avec des films d'auteurs). Quant au public, dès le premier jour, il était totalement emballé, en cette fin d'année 2011 si prestigieuse pour le cinéma français. Le bouche-à-oreille aidant, ce film a atteint le succès que l'on connait. Pour vous dire, il a fait en une journée, soit le 11 Novembre, plus de 800 000 entrées, ce qui est du jamais vu encore inégalé ! Pour ma part, je suis allé deux fois au cinéma pour le voir, parce que ce film me rendait heureux, tout simplement. Je vois pas le mal à l'être, en fait. Et c'est là le problème: une vieille manie bien de chez nous, qui dit que plus une œuvre a du renom et attire les foules, plus il se doit d'être exceptionnel et porter un regard qui remettrait n'importe quel intellectuel à sa place. Étant donné que le film a fait 19 millions, je vous laisse mesurer l'attente accumulée pour "Intouchables", qui n'a jamais rien demandé d'autre que de vous faire rire, comme "Bienvenue chez les ch'tis" ou "Les Visiteurs". Du coup, forcément, les gens ont de plus en plus fait la moue devant ce film, au fil du temps. Eric Libiot et Studio Ciné Live, que je respecte pourtant, ont finis eux aussi par désavouer leur amour pour ce film et à admettre, avec une petite forme de mépris, la modestie du propos ainsi que de la mise en scène. Mais vous vous attendiez à quoi ? A quel moment "Intouchables" se figurait comme un discours pédagogique sur les personnes en situation de handicap ? Parce que c'est le primordial argument contre ce film que j'ai entendu. Je sais pas vous, mais moi, j'ai envie de voir un personnage en fauteuil roulant qui non seulement se paye le luxe de partager le rôle principal, mais surtout le laisse s'exprimer et s'épanouir comme un personnage de cinéma normal. Merde à la fin. A ce que je sache, "le diner de cons" n'a pas un propos très social non plus (encore moins même) et n'est pas un plaidoyer pour la tolérance avec les cons ! Le film de Veber est la dernière comédie à avoir été vraiment saluée, au niveau populaire : il s'agirait de passer à autre chose, et de savoir aimer une bonne comédie quand elle passe, parce que je reconnais que cela devient de plus en plus rare dans l'Hexagone. Mais il n'a pas fait 19 millions pour rien. Il faut prendre le film comme il a toujours été: une bonne comédie, n'ayant aucune prétention auquel il fallait vous attendre. Une excellente comédie même, mais là c'est vraiment uniquement mon avis, auquel je vais passer maintenant.
Ce que j'ai particulièrement aimé dans ce film, c'est qu'on ne rit pas DES personnages, on rit AVEC les personnages. C'est pas du tout pareil. L'attachement à cette histoire d'amitié entre un ancien délinquant banlieusard et un tétraplégique riche s'en retrouve renforcée. Qui n'a pas ri lors de la scène du rasage ? Pourtant, concrètement, il n'y a pas de gag: c'est deux mecs qui déconnent ! On finit par avoir l'impression que ce n'est même pas joué, tout est en finesse et naturel. "Intouchables" est bourré de pep's, c'est un hymne à la vie et au dynamisme, et je suis sûr que c'est de là d'où vient son succès. En ces temps, comme sur n'importe quel siècle (mais encore plus aujourd’hui faut l’admettre), on a besoin d'un film qui nous rappelle tout ce que la Vie peut nous offrir: des liens inattendus, du pittoresque, des histoires personnelles émouvantes, des beaux souvenirs... La scène des parachutes est représentative: bien que techniquement discutable (les mains qui tiennent les caméras sont putain de visibles !), tout nous aspire dans la scène. Cluzet et Sy, sur le papier c'est improbable, à l'écran ils sont indissociables. Bien sûr, les gens ont tendance à retenir Omar Sy pour le punch de son rôle, mais n'oublions pas que son punch ne veux rien dire si il n'a pas de partenaire comme Cluzet en face. Ils portent cette histoire d'amitié avec grâce. Certes, il y a des instants un peu maladroits, certes, c'est le pays des Bisounours (mais "Amélie Poulain" et "Chantons sous la pluie" aussi....), mais on ne s'ennuie jamais, grâce à l'humour permanent.
Un film littéralement familial, très rafraichissant, qu'il est bien de regarder.